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griffes, au poteau du préau, la longue bête raidie…

Puis la pesante classe d’hiver commença…

Un coup brusque au carreau nous fit lever la tête. Dressé contre la porte, nous aperçûmes le grand Meaulnes secouant avant d’entrer le givre de sa blouse, la tête haute et comme ébloui !

Les deux élèves du banc le plus rapproché de la porte se précipitèrent pour l’ouvrir : il y eut à l’entrée comme un vague conciliabule, que nous n’entendîmes pas, et le fugitif se décida enfin à pénétrer dans l’école.

Cette bouffée d’air frais venue de la cour déserte, les brindilles de paille qu’on voyait accrochées aux habits du grand Meaulnes, et surtout son air de voyageur fatigué, affamé, mais émerveillé, tout cela fit passer en nous un étrange sentiment de plaisir et de curiosité.

M. Seurel était descendu du petit bureau à deux marches où il était en train de nous faire la dictée, et Meaulnes marchait vers lui d’un air agressif. Je me rappelle combien je le trouvai beau, à cet instant, le grand compagnon, malgré son air épuisé et ses yeux rougis par les nuits passées au dehors, sans doute.

Il s’avança jusqu’à la chaire et dit, du ton très assuré de quelqu’un qui rapporte un renseignement :

— Je suis rentré, monsieur.

— Je le vois bien, répondit M. Seurel, en le considérant avec curiosité… Allez vous asseoir à votre place.