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Un long moment je restai là, effrayé, désespéré, repris soudain par toute la douleur qu’avait réveillée son retour. Il avait disparu derrière la maison, en avait fait le tour, et il revenait, hésitant.

Alors je m’avançai vers lui, et sans rien dire, je l’embrassai en sanglotant. Tout de suite, il comprit :

— Ah ! dit-il d’une voix brève, elle est morte, n’est-ce pas ?

Et il resta là, debout, sourd, immobile et terrible. Je le pris par le bras et doucement je l’entraînai vers la maison. Il faisait jour maintenant. Tout de suite, pour que le plus dur fût accompli, je lui fis monter l’escalier qui menait vers la chambre de la morte. Sitôt entré, il tomba à deux genoux devant le lit et, longtemps, resta la tête enfouie dans ses deux bras.

Il se releva enfin, les yeux égarés, titubant, ne sachant où il était. Et, toujours le guidant par le bras, j’ouvris la porte qui faisait communiquer cette chambre avec celle de la petite fille. Elle s’était éveillée toute seule — pendant que sa nourrice était en bas — et, délibérément, s’était assise dans son berceau. On voyait tout juste sa tête étonnée, tournée vers nous.

— Voici ta fille, dis-je.

Il eut un sursaut et me regarda.

Puis il la saisit et l’enleva dans ses bras. Il ne put pas bien la voir d’abord, parce qu’il pleurait. Alors, pour détourner un peu ce grand