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de s’excuser ou de demander une permission qu’on lui eût certainement accordée. Sans doute aurait-il fallu qu’Yvonne de Galais lui fît violence, et lui prenant la tête entre ses mains, lui dît : « Qu’importe ce que vous avez fait ; je vous aime ; tous les hommes ne sont-ils pas des pécheurs ? » Sans doute avait-elle eu grand tort, par générosité, par esprit de sacrifice, de le rejeter ainsi sur la route des aventures… Mais comment aurais-je pu désapprouver tant de bonté, tant d’amour !…

Il y eut un long moment de silence, pendant lequel, troublés jusques au fond du cœur, nous entendions la pluie froide dégoutter dans les haies et sous les branches des arbres.

— Il est donc parti au matin, poursuivit-elle. Plus rien ne nous séparait désormais. Et il m’a embrassée, simplement, comme un mari qui laisse sa jeune femme, avant un long voyage…

Elle se levait. Je pris dans la mienne sa main fiévreuse, puis son bras, et nous remontâmes l’allée dans l’obscurité profonde.

— Pourtant il ne vous a jamais écrit ? demandai-je.

— Jamais, répondit-elle.

Et alors, la pensée nous venant à tous deux de la vie aventureuse qu’il menait à cette heure sur les routes de France ou d’Allemagne, nous commençâmes à parler de lui comme nous ne l’avions jamais fait. Détails oubliés, impressions anciennes nous revenaient en mémoire, tandis