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ne distinguait du type usuel dans ce pays, sinon son éloignement et son isolement.

À voir Yvonne de Galais, on eût dit que cette maison nous appartenait et que nous l’avions abandonnée durant un long voyage. Elle ouvrit, en se penchant, une petite grille, et se hâta d’inspecter avec inquiétude le lieu solitaire. Une grande cour herbeuse, où des enfants avaient dû venir jouer pendant les longues et lentes soirées de la fin de l’hiver, était ravinée par l’orage. Un cerceau trempait dans une flaque d’eau. Dans les jardinets où les enfants avaient semé des fleurs et des pois, la grande pluie n’avait laissé que des traînées de gravier blanc. Et enfin nous découvrîmes, blottie contre le seuil d’une des portes mouillées, toute une couvée de poussins transpercée par l’averse. Presque tous étaient morts sous les ailes raidies et les plumes fripées de la mère.

À ce spectacle pitoyable, la jeune femme eut un cri étouffé. Elle se pencha et, sans souci de l’eau ni de la boue, triant les poussins vivants d’entre les morts, elle les mit dans un pan de son manteau. Puis nous entrâmes dans la maison dont elle avait la clef. Quatre portes ouvraient sur un étroit couloir où le vent s’engouffra en sifflant. Yvonne de Galais ouvrit la première à notre droite et me fit pénétrer dans une chambre sombre, ou je distinguai, après un moment d’hésitation, une grande glace et un petit lit recouvert, à la mode campagnarde, d’un édredon