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Ses yeux étaient cernés de taches de rousseur ; son menton, mal rasé ; ses cheveux trop longs traînaient sur son col sale. Les mains dans les poches, il grelottait. Ce n’était plus ce royal enfant en guenilles des années passées. De cœur, sans doute, il était plus enfant que jamais : impérieux, fantasque et tout de suite désespéré. Mais cet enfantillage était pénible à supporter chez ce garçon déjà légèrement vieilli… Naguère, il y avait en lui tant d’orgueilleuse jeunesse que toute folie au monde lui paraissait permise. À présent, on était d’abord tenté de le plaindre pour n’avoir pas réussi sa vie ; puis de lui reprocher ce rôle absurde de jeune héros romantique où je le voyais s’entêter… Et enfin je pensais malgré moi que notre beau Frantz aux belles amours avait dû se mettre à voler pour vivre, tout comme son compagnon Ganache… Tant d’orgueil avait abouti à cela !

— Si je vous promets, dis-je enfin, après avoir réfléchi, que dans quelques jours Meaulnes se mettra en campagne pour vous, rien que pour vous ?…

— Il réussira, n’est-ce pas ? Vous en êtes sûr ? me demanda-t-il en claquant des dents.

— Je le pense. Tout devient possible avec lui !

— Et comment le saurai-je ? Qui me le dira ?

— Vous reviendrez ici dans un an exactement, à cette même heure : vous trouverez la jeune fille que vous aimez.