Page:Le Grand Meaulnes.djvu/270

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et s’éteint le bruit des sanglots étouffés du jeune homme. J’attends que cette crise s’apaise et je dis, en lui mettant la main sur l’épaule :

— Frantz, vous viendrez avec moi. Je vous mènerai auprès d’eux. Ils vous accueilleront comme un enfant perdu qu’on a retrouvé et tout sera fini.

Mais il ne voulait rien entendre. D’une voix assourdie par les larmes, malheureux, entêté, colère, il reprenait :

— Ainsi Meaulnes ne s’occupe plus de moi ? Pourquoi ne répond-il pas quand je l’appelle ? Pourquoi ne tient-il pas sa promesse ?

— Voyons, Frantz, répondis-je, le temps des fantasmagories et des enfantillages est passé. Ne troublez pas avec des folies le bonheur de ceux que vous aimez ; de votre sœur et d’Augustin Meaulnes.

— Mais lui seul peut me sauver, vous le savez bien. Lui seul est capable de retrouver la trace que je cherche. Voilà bientôt trois ans que Ganache et moi nous battons toute la France sans résultat. Je n’avais plus confiance qu’en votre ami. Et voici qu’il ne répond plus. Il a retrouvé son amour, lui. Pourquoi, maintenant, ne pense-t-il pas à moi ? Il faut qu’il se mette en route. Yvonne le laissera bien partir… Elle ne m’a jamais rien refusé.

Il me montrait un visage où, dans la poussière et la boue, les larmes avaient tracé des sillons sales, un visage de vieux gamin épuisé et battu.