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» … Frantz ! Ne craignez rien. C’est moi, Seurel ; je voudrais vous parler…

Un instant de silence ; je vais me décider à crier encore, lorsque, au cœur même de la sapinière, où mon regard n’atteint pas tout à fait, une voix commande :

— Restez où vous êtes : il va venir vous trouver.

Peu à peu, entre les grands sapins que l’éloignement fait paraître serrés, je distingue la silhouette du jeune homme qui s’approche. Il paraît couvert de boue et mal vêtu ; des épingles de bicyclette serrent le bas de son pantalon, une vieille casquette à ancre est plaquée sur ses cheveux trop longs ; je vois maintenant sa figure amaigrie… Il semble avoir pleuré.

S’approchant de moi, résolument :

— Que voulez-vous ? demande-t-il d’un air très insolent.

— Et vous-même, Frantz, que faites-vous ici ? Pourquoi venez-vous troubler ceux qui sont heureux ? Qu’avez-vous à demander ? Dites-le.

Ainsi interrogé directement, il rougit un peu, balbutie, répond seulement :

— Je suis malheureux, moi, je suis malheureux.

Puis, la tête dans le bras, appuyé à un tronc d’arbre, il se prend à sangloter amèrement. Nous avons fait quelques pas dans la sapinière. L’endroit est parfaitement silencieux. Pas même la voix du vent que les grands sapins de la lisière arrêtent. Entre les troncs réguliers se répète