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oncle Florentin, qui ruminait comme nous, sans rien dire, ses regrets et sa grosse déception.

Nous aussi, nous partîmes, emportés vivement, dans notre voiture bien suspendue, par notre beau cheval alezan. La roue grinça au tournant dans le sable et bientôt, Meaulnes et moi, qui étions assis sur le siège de derrière, nous vîmes disparaître sur la petite route l’entrée du chemin de traverse que le vieux Bélisaire et ses maîtres avaient pris…

Mais alors mon compagnon — l’être que je sache au monde le plus incapable de pleurer, tourna soudain vers moi son visage bouleversé par une irrésistible montée de larmes.

— Arrêtez, voulez-vous ? dit-il en mettant la main sur l’épaule de Florentin. Ne vous occupez pas de moi. Je reviendrai tout seul, à pied.

Et d’un bond, la main au garde-boue de la voiture, il sauta à terre. À notre stupéfaction, rebroussant chemin, il se prit à courir, et courut jusqu’au petit chemin que nous venions de passer, le chemin des Sablonnières. Il dut arriver au Domaine par cette allée de sapins qu’il avait suivie jadis, où il avait entendu, vagabond caché dans les basses branches, la conversation mystérieuse des beaux enfants inconnus…

Et c’est ce soir-là, avec des sanglots, qu’il demanda en mariage Mlle de Galais.