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candélabres, la grande glace, le vieux luth brisé… Il s’enquérait de tout cela, avec une passion insolite, comme s’il eût voulu se persuader que rien ne subsistait de sa belle aventure, que la jeune fille ne lui rapporterait pas une épave capable de prouver qu’ils n’avaient pas rêvé tous les deux, comme le plongeur rapporte du fond de l’eau un caillou et des algues…

Mlle de Galais et moi, nous ne pûmes nous empêcher de sourire tristement : elle se décida à lui expliquer :

— Vous ne reverrez pas le beau château que nous avions arrangé, M. de Galais et moi, pour le pauvre Frantz.

» Nous passions notre vie à faire ce qu’il demandait. C’était un être si étrange, si charmant ! Mais tout a disparu avec lui le soir de ses fiançailles manquées.

» Déjà M. de Galais était ruiné sans que nous le sachions. Frantz avait fait des dettes et ses anciens camarades — apprenant sa disparition… ont aussitôt réclamé auprès de nous. Nous sommes devenus pauvres ; Mme de Galais est morte et nous avons perdu tous nos amis en quelques jours.

» Que Frantz revienne, s’il n’est pas mort. Qu’il retrouve ses amis et sa fiancée ; que la noce interrompue se fasse et peut-être tout redeviendra-t-il comme c’était autrefois. Mais le passé peut-il renaître ?

— Qui sait ! dit Meaulnes pensif. Et il ne demanda plus rien.