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Je pensai moi aussi à m’éloigner, mais je sentais les deux jeunes gens si gênés, si anxieux l’un en face de l’autre, que je jugeai prudent de ne pas le faire…

Tant de discrétion de la part de Jasmin, tant de précaution de la mienne servirent à peu de chose. Ils parlèrent. Mais invariablement, avec un entêtement dont il ne se rendait certainement pas compte, Meaulnes en revenait à toutes les merveilles de jadis. Et chaque fois la jeune fille au supplice devait lui répéter que tout était disparu : la vieille demeure si étrange et si compliquée, abattue ; le grand étang, asséché, comblé ; et dispersés, les enfants aux charmants costumes…

— Ah ! faisait simplement Meaulnes avec désespoir et comme si chacune de ces disparitions lui eût donné raison contre la jeune fille ou contre moi…

Nous marchions côte à côte… Vainement j’essayais de faire diversion à la tristesse qui nous gagnait tous les trois. D’une question abrupte, Meaulnes, de nouveau, cédait à son idée fixe. Il demandait des renseignements sur tout ce qu’il avait vu autrefois : les petites filles, le conducteur de la vieille berline, les poneys de la course. « …Les poneys sont vendus aussi ? Il n’y a plus de chevaux au Domaine ?… »

Elle répondit qu’il n’y en avait plus. Elle ne parla pas de Bélisaire.

Alors il évoqua les objets de sa chambre : les