Page:Le Grand Meaulnes.djvu/254

Cette page a été validée par deux contributeurs.

chaises de jardin que nous avions apportées lorsque, quittant délibérément un groupe de jeunes gens où elle paraissait s’ennuyer, Mlle de Galais s’approcha de nous. Elle nous demanda, je me rappelle, pourquoi nous ne canotions pas sur le lac des Aubiers, comme les autres.

— Nous avons fait quelques tours cet après-midi, répondis-je. Mais cela est bien monotone et nous avons été vite fatigués.

— Eh bien ! pourquoi n’iriez-vous pas sur la rivière ? dit-elle.

— Le courant est trop fort, nous risquerions d’être emportés.

— Il nous faudrait, dit Meaulnes, un canot à pétrole ou un bateau à vapeur comme celui d’autrefois.

— Nous ne l’avons plus, dit-elle presque à voix basse, nous l’avons vendu.

Et il se fit un silence gêné.

Jasmin en profita pour annoncer qu’il allait rejoindre M. de Galais.

— Je saurai bien, dit-il, où le retrouver.

Bizarrerie du hasard ! Ces deux êtres si parfaitement dissemblables s’étaient plu et depuis le matin ne se quittaient guère. M. de Galais m’avait pris à part un instant, au début de la soirée, pour me dire que j’avais là un ami plein de tact, de déférence et de qualités. Peut-être même avait-il été jusqu’à lui confier le secret de l’existence de Bélisaire et le lieu de sa cachette.