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l’impression pénible d’un mauvais présage — impression absurde que je chassai bien vite.

La chandelle était presque au bout ; un moustique vibrait ; mais la tante Moinel, la tête penchée sous sa capote de velours qu’elle ne quittait que pour dormir, les coudes appuyés sur ses genoux, recommençait son histoire… Par moment, elle relevait brusquement la tête et me regardait pour connaître mes impressions, ou peut-être pour voir si je ne m’endormais pas. À la fin, sournoisement, la tête sur l’oreiller, je fermai les yeux, faisant semblant de m’assoupir.

— Allons ! tu dors… fit-elle d’un ton plus sourd et un peu déçu.

J’eus pitié d’elle et je protestai :

— Mais non, ma tante, je vous assure…

— Mais si ! dit-elle. Je comprends bien d’ailleurs que tout cela ne t’intéresse guère. Je te parle là de gens que tu n’as pas connus…

Et lâchement, cette fois, je ne répondis pas.