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— Et puis j’apprendrais aux garçons à être sages, d’une sagesse que je sais. Je ne leur donnerais pas le désir de courir le monde, comme vous le ferez sans doute, monsieur Seurel, quand vous serez sous-maître. Je leur enseignerais à trouver le bonheur qui est tout près d’eux et qui n’en a pas l’air…

Marie-Louise et Firmin étaient interdits comme moi. Nous restions sans mot dire. Elle sentit notre gêne et s’arrêta, se mordit la lèvre, baissa la tête et puis elle sourit comme si elle se moquait de nous :

— Ainsi, dit-elle, il y a peut-être quelque grand jeune homme fou qui me cherche au bout du monde, pendant que je suis ici, dans le magasin de Mme Florentin, sous cette lampe, et que mon vieux cheval m’attend à la porte. Si ce jeune homme me voyait, il ne voudrait pas y croire, sans doute ?…

De la voir sourire, l’audace me prit et je sentis qu’il était temps de dire, en riant aussi :

— Et peut-être que ce grand jeune homme fou, je le connais, moi ?

Elle me regarda vivement.

À ce moment le timbre de la porte sonna, deux bonnes femmes entrèrent avec des paniers :

— Venez dans la « salle à manger », vous serez en paix, nous dit ma tante en poussant la porte de la cuisine.

Et comme Mlle de Galais refusait et voulait partir aussitôt, ma tante ajouta :