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tant ils sont calmes après la grande fièvre de Pâques, qu’il n’y ait plus qu’à attendre l’été. Juin ramena le temps des examens et une terrible chaleur dont la buée suffocante planait sur le pays sans qu’un souffle de vent la vînt dissiper. La nuit n’apportait aucune fraîcheur et par conséquent aucun répit à ce supplice. C’est durant cet insupportable mois de juin que je reçus la deuxième lettre du grand Meaulnes.


« Juin 189…
« Mon cher ami,

» Cette fois tout espoir est perdu. Je le sais depuis hier soir. La douleur, que je n’avais presque pas sentie tout de suite, monte depuis ce temps.

» Tous les soirs j’allais m’asseoir sur ce banc, guettant, réfléchissant, espérant malgré tout.

» Hier après dîner, la nuit était noire et étouffante. Des gens causaient sur le trottoir, sous les arbres. Au-dessus des noirs feuillages, verdis par les lumières, les appartements des seconds, des troisièmes étages étaient éclairés. Çà et là, une fenêtre que l’été avait ouverte toute grande… On voyait la lampe allumée sur la table, refoulant à peine autour d’elle la chaude obscurité de juin ; on voyait presque jusqu’au fond de la pièce… Ah ! si la fenêtre noire d’Yvonne de Galais s’était allumée aussi, j’aurais osé, je crois, monter l’escalier, frapper, entrer…

» La jeune fille de qui je t’ai parlé était là encore, attendant comme moi. Je pensai qu’elle