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sur le trottoir on les voit très bien. Tous les rideaux sont fermés et il faudrait être fou pour espérer qu’un jour, entre ces rideaux tirés, le visage d’Yvonne de Galais puisse apparaître.

» C’est sur un boulevard… Il pleuvait un peu dans les arbres déjà verts. On entendait les cloches claires des tramways qui passaient indéfiniment.

» Pendant près de deux heures, je me suis promené de long en large sous les fenêtres. Il y a un marchand de vins chez qui je me suis arrêté pour boire, de façon à n’être pas pris pour un bandit qui veut faire un mauvais coup. Puis j’ai repris ce guet sans espoir.

» La nuit est venue. Les fenêtres se sont allumées un peu partout mais non pas dans cette maison. Il n’y a certainement personne. Et pourtant Pâques approche.

» Au moment où j’allais partir une jeune fille, ou une jeune femme — je ne sais — est venue s’asseoir sur un des bancs mouillés de pluie. Elle était vêtue de noir avec une petite collerette blanche. Lorsque je suis parti, elle était encore là, immobile malgré le froid du soir, à attendre je ne sais quoi, je ne sais qui. Tu vois que Paris est plein de fous comme moi.

Augustin »

Le temps passa. Vainement j’attendis un mot d’Augustin le lundi de Pâques et durant tous les jours qui suivirent — jours où il semble,