temps épicière et aubergiste. Un rayon de soleil blanc glisse à travers la fenêtre basse sur les boîtes en fer-blanc et sur les tonneaux de vinaigre. Le gros Boujardon s’assoit sur l’appui de la fenêtre et tourné vers nous, avec un gros rire d’homme pâteux, il mange des biscuits à la cuiller. À la portée de la main, sur un tonneau, la boîte est ouverte et entamée. Le petit Roy pousse des cris de plaisir. Une sorte d’intimité de mauvais aloi s’est établie entre nous. Jasmin et Boujardon seront maintenant mes camarades, je le vois. Le cours de ma vie a changé tout d’un coup. Il me semble que Meaulnes est parti depuis très longtemps et que son aventure est une vieille histoire triste, mais finie.
Le petit Roy a déniché sous une planche une bouteille de liqueur entamée. Delouche nous offre à chacun la goutte, mais il n’y a qu’un verre et nous buvons tous dans le même. On me sert le premier avec un peu de condescendance, comme si je n’étais pas habitué à ces mœurs de chasseurs et de paysans… Cela me gêne un peu. Et comme on vient à parler de Meaulnes, l’envie me prend, pour dissiper cette gêne et retrouver mon aplomb, de montrer que je connais son histoire et de la raconter un peu. En quoi cela pourrait-il lui nuire puisque tout est fini maintenant de ses aventures ici ?…
Est-ce que je raconte mal cette histoire ? Elle ne produit pas l’effet que j’attendais.