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Il baissa la tête, mit ses mains sur ses cuisses et me cria :

— Allons-y, François !

Surpris par cette décision soudaine, je sautai pourtant sans hésiter sur ses épaules et en une seconde nous étions au fort de la mêlée, tandis que la plupart des combattants, éperdus, fuyaient en criant :

— Voilà Meaulnes ! Voilà le grand Meaulnes !

Au milieu de ceux qui restaient il se mit à tourner sur lui-même en me disant :

— Étends les bras : empoigne-les comme j’ai fait cette nuit.

Et moi, grisé par la bataille, certain du triomphe, j’agrippais au passage les gamins qui se débattaient, oscillaient un instant sur les épaules des grands et tombaient dans la boue. En moins de rien il ne resta debout que le nouveau venu monté sur Delage ; mais celui-ci, peu désireux d’engager la lutte avec Augustin, d’un violent coup de reins en arrière se redressa et fit descendre le cavalier blanc.

La main à l’épaule de sa monture, comme un capitaine tient le mors de son cheval, le jeune garçon debout par terre regarda le grand Meaulnes avec un peu de saisissement et une immense admiration :

— À la bonne heure ! dit-il.

Mais aussitôt la cloche sonna, dispersant les élèves qui s’étaient rassemblés autour de nous dans l’attente d’une scène curieuse. Et Meaulnes,