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Léon et une vieille Chronique de Bretagne Anonyme, livre premier chap. 28 ; mais specialement des Memoires et recherches de l’Evesché de Léon, par Noble et Discret Messire Yves Le Grand, Chanoine de S. Paul, premier Aumosnier et Conseiller du Duc François II, Recteur de Plou-neventer l’an 1472, à moy communiquez par feu Escuyer Vincent Le Grand (mon Oncle paternel), Sieur de Kerscao Kerigonnal, Conseiller du Roy et Seneschal de Carhaix.


LA VIE DE S. GUEVROC OU KIRECQ,


Chanoine et Grand Vicaire de Léon (1), Confesseur, le 17 de Fevrier.


Saint Tugduval, passant de l’Isle de la Grande Bretagne en la Bretagne Armorique, emmena quant & soy 70 de ses meilleurs & plus vertueux Religieux, pour luy ayder au Ministere auquel Dieu l’avoit choisi, sçavoir est, la conversion de tant d’Ames qui, par le moyen de ces SS. Personnages, devoient estre redressées & remises au chemin de la vertu. De ce nombre fut S. Guevroc ou Kirecq, duquel icy nous parlerons, lequel, issu de parens assez mediocres, fut par eux soigneusement élevé, selon la portée de leurs moyens. Ayant acquis quelques sciences és études, Dieu luy toucha le cœur, & luy jetta dans l’Ame un généreux mépris des choses caduques, & un fervent amour des Celestes, de sorte qu’il demanda & receut l’habit de Religion, au Monastere de S. Tugduval, au Pais de Walles en l’Isle, & devint si parfait Religieux que saint Tugduval, ayant eu commandement d’un Ange de passer és Armoriques, il le choisit pour un de ses compagnons. Il vêcut quelque temps au grand Monastere de Trecor, sous la discipline dudit S. Abbé lequel, connoissant sa capacité & doctrine, l’envoya fonder un Monastere prés la ville de Xer/eHn-Hn, (à présent dite Laizd-àleur,) luy donnant quatorze Religieux pour commencer à peupler ce lieu.

II. Ayant pris la benediction de S. Tugduval, il se mit en chemin avec sa compagnie, &, arrivant à Kerfeunteun, fut fort bien recuëilly des habitans de la Ville, qui désiroient infiniment le voisiné de ces bons Pères mais S. Guevroc, désireux de la retraitte & solitude, ne voulut bastir dans la ville ny és fauxbourgs, mais plus haut que le port (aujourd’huy le Havre de yoH~ar/nrrt), à une lieuë de la ville sur une longe de terre qui avançoit en la Mer, à l’emboucheure de la riviere de Menou, où est encore à présent l’Église Treviale de Loc-Kn’ec<jr (2), autre fois nommé le Monastere de Lancf-Gueuroc. Qui pourroit suffisamment raconter le fruit que firent ces bons Religieux en tout ce canton, sous la sage conduite du saint Abbé ? Mais, voyant qu’il estoit trop fréquenté en ce lieu, il se voulut retirer au désert, ce qu’il exécuta, après avoir gouverné six années ce Monastere, & fait élire un autre Abbé en sa place.

III. Il quitta son Monastere & ses Religieux tous désolez & baignez de larmes, & passant la riviere de Kevleut à Morlaix, s’en alla jusques à la paroisse de Ploudaniel, (1) Saint Guévroe a rempli des fonctions qui ne sont pas sans analogie avec celles des dignitaires qui s’en acquittent aujourd’hui, mais ces titres ne devaient être en usage que beaucoup plus tard. Nous faisons cette remarque une fois pour toutes, Albert Le Grand emploie souvent ces termes qui à eux seuls constituent de vrais anachronismes. A.-M. T.

(2) Le lieu garde toujours son nom, mais saint Jacques le Majeur lui a été substitué comme patron. A.-M. T.