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des plus sensibles tribulations, comme ils l’experimenttrent peu de temps aprks: car certains troubles & realhours étans survenus en Angleterre, Fragan fut contraint de sortir de son Pais avec sa famille, comme un autre Abraham, & passer la petite Bretagne 06 ils aborderent au port de Brehat, où ayant residez quelques ann/es avec assez de prosperitez, ils demanderent/ Dieu un troisi6me fils qu’ils nommercnt Guenol, !equcl / cause de son bel esprit son pere pensoR particulierement le faire du monde, mats cn ayant miraculcuscment cst ddtourn, i1 promit/ Dieu qu’il luy donneroit non seulement ce Cadet, mats aussi les dcux Aisnez; & en effet, ayant mis Gucnold sous un bon maistre nomm/ Budoc, ses freres le suivirent incontinent apr/s, off h l’envi les uns des antres ils profitoient/ la vertu, mats spcialement Jacut que son maistre cherissoit fi raison de son bon naturel, inclination/ la vertu, & assiduit/ l’tude.

Sa modestie servoit d’exemple/ ceux de son âge, ses discours d’enseignemens, & sa gravit de retenue; son humilit qui le lnettoit h eouvert de !’ambition & de la superbe le tenoit dans l’approbation; sa candent qui le faisoit chefchef d’un ehaefin luidonnoit ereartec parmi ses anttens, sa sincerit gagnoR leur affection, & sa prudence donnoR h tons de l’admiration. Ces belles semences tutelaires de son innocence ne pouvoient pas demeurer lonemps dans un si bon tcrroir sans produire des flmlnes d’une ardente charit6.

Ce fur pourquoy un jour qu’il sortoit avec ses compagnons pour se r6erer la campagne, s’6tant retir d’cux & pris therein d’un autre eost avec son frere Guethenoc / desseth de s’entrctenir de discours pieux & de dvotion, Dieu qui les regardoit ou plfitost qui les aeeompagnoit de son Amour, comme il fit autrefois h ses deux disciples d’Emafis, leur prsenta h propos un sujet digne de leur pict: car comme ils s’avanoient eontinuant leurs saints propos, x’oici qu’ils font reneontre d’un hornroe aveugle, lequel par un instinct partieulier s’adressant ’fi eux les supplie d’abord de luy donner guerison; cette priere quoy que de soy plus tcmcraire que civile, ne leur donne point toutefois occasion de le mepriser, mais au contraire le regardans avec des yeux pleins de com- passion & de eharit6, s’approchent de luy, !uy parlent doncement, l’interrogent & le consolent, puts enfin vaincus de ses prieres & du ressentiment de son affliction, animez d’une humble eonfianee en Dieu, Fun d’eux de sa salive luy layant les yeux, & l’autre fatsant le sight de la Croix dessus, luy tendent l’instant la veu, mats craignant que le bruit de 1cur action leur acquist de la reputation, ils se retirent sur l’heure plus rite que Ie pas dans le Clotsire du Monastere off ils demeuroient, aussi honteux que sills eussent commis quelque grand crime.

Dieu toutefois qui se plaist h lever les humbles, ne permit pas que cette action demeurfit inconnfie, mats il ’oulut que celuy qui en fur gratifi6 en fur luy-mesme lo proelamateur & le tmoin irreprochable; car il ne se fur pas plfitost appereeu de leur fuitc, qu’il les suivit/ la course jusqu’aux portes du Monastero, publiant le Miracle tout transport6 d’allegresse, en criant hautemerit qu’il renoir de recevoir la veu par le tooyen de deux eseoliers de la Maison, mats ce n’6toit pas encore assez pour faire connoistre ceux que la erainte de l’honneur renoir dja eachds, il failloit employer le credit de l’obeissanee pour d6eeler cc quc l’humilit6 avoit entrepris de garder en secret; voila pourquoy les clameurs continuelies de celuy-cy tant enfin parvenUes aux oreilles du maistre Budoc, qui pour s’informer plus partieulierement du fait Fayant fait entrer, fit appel!er en roesroe temps tons ses escoliers pour les assembler devant luy, lequcl ayant incontinent remarqu6 entre les antres Jacut & Guethenoc pour ses bien-faicteurs, se prosternant derant eux en action de graces, les obligea enfin de reeonnoistre ]a Vertu de Dieu en eux, demeurans au reste confus de la gloire qui leuren reenoit, cc qui rendit encore Jacut plus modeste & eireonspeet que derant; car ce fat alors que prenant cette