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LA VIE DU B. H. JEAN DISCALCEAT.

rendre ces terres qu’il avoit recouvertes. Theodoric, homme cruel, sanguinaire & sans Religion, qui estoit dans la mefiance de ses propres sujets, & craignoit qu’ils remuassent quelque chose contre son Estat, prit l’allarme de cette lettre & fit faire garde par toutes les costes maritimes pour attraper cette flotte, laquelle, en peu de temps, aborda à Cornoûaille et y prit terre. Theodoric en fut incontinent averty, qui, sans autre information, mena son armée vers eux, & ayant aperceu le prince Fingar, avec 200. de ses gens, se rua sur eux, & les tailla en pièces. S. Guiner qui, avec le reste, suivoit de loin, voyant ce massacre, & que l’ennemy venoit à toute bride vers eux, exhorta ses compagnons à endurer patiemment la mort pour l’amour de Jésus-Christ ; & voyant venir Theodoric, l’épée sanglante en main, criant « A mort, à mort, ces hypocrites ! » il le reprit de sa cruauté ; mais, ne gagnant rien, il se mit à genoux, exhortant ses compagnons à la patience, &, s’appuyant sur son baston, tendit le col au tyran, qui d’un coup d’épée, luy enleva la teste & fit massacrer ses compagnons. Leurs corps furent recueillis par les Chrestiens & honorablement ensevelis, & Dieu manifesta la gloire de saint Guiner par plusieurs miracles qui furent faits à son Tombeau. Il est Patron de la trêve de Loc-Eguiner, Paroisse de Plou-Diri, en Léon (1).

Cette Vie a esté par nous recueillie des anciens Legendaires manuscrits des Églises Cathedrales de Vennes et Collegiale du Fol-Coët. Le Proprium Sanctorum de Vennes en fait Office le lk. Decembre, et il y a en la Cathedrale une Chapelle fondée en son honneur.

LA VIE DU B. H. JEAN, SURNOMMÉ DISCALCEAT,

Prestre, Recteur, et depuis Religieux de l’Ordre de Saint François,

le 16. de Decembre

E Bien-Heureux JEAN, surnommé Discalcéat, ou Deschaux, à cause qu’il alloit toujours nuds pieds, nasquit de parens de mediocre fortune, gens de bien & craignans Dieu, qui faisoient leur résidence dans l’Evesché de Léon, en Basse Bretagne (2). On dit que sa mère estant enceinte de luy, désira manger

d’une certaine espèce d’oyseau qui ne se trouve pas en ces quartiers, & alloit ce désir tellement augmentant, qu’elle couroit risque de perdre son fruit ; mais Dieu la preserva extraordinairement ; car un jour, comme elle estoit en sa chambre, avec quelques siennes voisines, un oyseau tel qu’elle désiroit entra dans la chambre & se laissa prendre aisément, dont elle satisfit son appetit. Elle accoucha de ce benit enfant, environ l’an de grâce 1280. sous le Pontificat de Nicolas III. l’Empire de Rodolphe I. & le règne de Jean I. du nom, Duc de Bretagne, fils de la Duchesse Alix & de Pierre de Brenne, ou de (1) II est aussi patron de Pluvigner, et une chapelle de la cathédrale de Vannes lui était dédiée autrefois. Dom Lobineau établit que Fingar et Eguiner ne sont pas deux personnes différentes, mais que ces deux noms désignent notre saint. Il emigra une première fois en Armorique, dans les circonstances racontées par Albert Le Grand ; quand il revint dans son pays, il le trouva complètement converti par saint Patrice, et s’il le quitta de nouveau, ce fut pour aller se hvrer à la vie contemplative dans la Cornouaille insulaire. Plus de 700 irlandais (parmi lesquels sept évêques) l’accompagnaient, il avait aussi avec lui sa sœur Piale. Saint Eguiner fut massacré avec cette pieuse troupe, non parce qu’il était chrétien, mais à cause de la haine que les Bretons avaient pour les Scots (on donnait ce nom aux habitants de l’Irlande ou Hybernie).

(2) À Saint-Vougay.