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Le 24 juillet 1807, M. l’abbé Le Guernalec de Keransquer, originaire du diocèse de Quimper, vicaire général de Mgr de Barrai, archevêque de Tours, arrivait à Quimperlé, apportant un fragment d’un os de saint Corentin, seul débris échappé à ses reliques conservées à Marmoutiers. Le dimanche suivant, 2 août, Mgr Dombideau, évêque de Quimper, en faisait la réception avec une grande solennité, mais la relique (l’ossiculum) ne fut apportée dans la ville épiscopale que deux ans après, et la translation en passa à peu près inaperçue.

Dans les inventaires dressés par ordre épiscopal le 26 avril 1816, le 16 juillet 1814, le 12 janvier 1818, le 3 septembre 1821 sont invariablement signalés deux tombeaux contre les piliers à l’entrée du chœur, et contenant à droite, la Nappe des trois Gouttes de Sang ; à gauche, le Bras de saint Corentin.

En 1825, nouvel inventaire, mais cette fois il n’est plus fait mention des deux tombeaux et de leur contenu. C’est la période de l’oubli presque complet, du moins pour le Bras de saint Corentin, car le 23 décembre 1829 le Chapitre décide que les Trois Gouttes de Sang placées dans une nouvelle châsse élégamment vitrée seront placées dans la chapelle à laquelle se rattache leur souvenir. Mais pourquoi les reliques ont-elles été retirées de la place occupée durant un quart de siècle ? C’est qu’il a fallu les reléguer à la sacristie pendant qu’une escouade de barbares étend le badigeon sur les colonnes et les murs noircis de la vieille église. Bientôt il n’y a plus que quelques prêtres et quelques serviteurs de la cathédrale à connaître l’existence d’une vieille petite caisse contenant un os qui pourrait être le Bras de saint Corentin, comme on le dit timidement.

Le 9 décembre 1879 M. de Penfentenyo, récemment promu à l’administration de la paroisse Saint-Corentin, visite avec M. François Daoulas fils, maître menuisier, le mobilier de la sacristie et y trouve l’os dont il vient d’être parlé, toujours dans sa petite caisse ; celle-ci, très étroite, est placée en diagonale dans une autre caisse plus large. La petite caisse porte différents cachets rompus, mais sans que les fragments en soient détruits ou perdus. Évidemment c’est une relique autrefois reconnue.

Pour la première fois j’entends parler de cette trouvaille le mardi de Pâques 1880. Au mois d’août suivant M. le Curé de la Cathédrale me prie de vouloir bien m’en occuper. Sur les dires de ma grand’mère[1] et de Mademoiselle Rosine Brisson, petite-fille du menuisier Daniel Sergent, j’avais longtemps cru que le Bras de saint Corentin avait réellement été restitué à la cathédrale, puis, faute de le voir vénéré, j’avais dû renoncer à cette conviction, quand parut en 1877 la Monographie de la Cathédrale de Quimper par M. Le Men, le savant archiviste du Finistère. Or cet ouvrage affirmait la possession du Bras par la cathédrale, donnait la teneur du procès-verbal dressé par les prêtres assermentés de 1795, la description minutieuse des deux caisses qui contenaient la relique, la nomenclature des cachets qui y figuraient. Reconnaître le taffetas vert dont la relique de saint Corentin avait été enveloppée à Marmoutiers, la petite caisse dans laquelle l’avait insérée le grand-prieur Jacques Dhuisseau, la châsse ou tombeau fabriquée par D. Sergent, les sceaux de Marmoutiers, de Guillaume Le Prestre de Légonnet et de René du Louet me fut chose très facile. Je ne reconnus pas le sceau de Guillaume Le Gouverneur, évêque de Saint-Malo je manquais pour ceci des éléments nécessaires. Mgr Nouvel chargea M. Jégou, vicaire général, de continuer l’enquête commencée par moi. Il déclara en être très heureux, mais négligea de s’en occuper. À sa mort, M. du Marhallac’h, vicaire général, lui fut substitué à cet effet et mit à ses investigations une ardeur peu commune. C’est à lui que sont dues les indications sur les inventaires où figure la relique pendant les premières années du siècle, et les explications très admissibles sur l’état d’esprit qui amena l’oubli du Bras tant vénéré autrefois. Son rapport fut présenté à l’Évêque en mai 1885 ; en 1886, le 30 novembre, Mgr Nouvel adressa à son clergé la lettre

  1. Pauline Boustouler, veuve de Pierre Thomas. Elle était douée d’une étonnante mémoire et racontait avec une grande précision les scènes de la Terreur telles qu’elles s’étaient produites à Quimper. Élevé près d’elle, j’ai pu recueillir ses souvenirs ; elle mourut à un âge très avancé.