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LA VIE DE SAINT EFFLAM,

l’rince Hijbernois, Confesseur, Patron de la Paroisse de Plestin, au Diocese de Treguier, le S. Novembre.

aint Efflam nasquit en l’Isle d’Hybernie, que nous appelions à présent Irlande, environ l’an de salut 448. sous le Pape S. Léon le Grand, & l’Empereur Valentinian III. Son Ayeul estoit Roy des cinq provinces de cette isle, & mourut, avant d’avoir terminé une cruelle & sanglante Guerre qu’il avoit

entreprise contre un des Roytelets de la Grande Bretagne, laquelle, durant encore après sa mort, tomba sur les bras à son fils aisné (père de nostre S. Efflam), qui luy succéda à la Couronne, &, incontinent après son Couronnement, voyant avoir hérité, aussi-bien du faix de cette guerre, qu’aux estats de son père, il se résolut de la continuer ce qu’il fit, résistant valeureusement, & d’un courage invincible, aux efforts de son ennemy. Pendant ces guerres, il fut répandu grande quantité de sang humain, de part & d’autre, & les deux royaumes furent affligez des miseres & calamitez que la guerre traisne après soy, comme sont massacres, trahisons, ravissemens & violemens de filles, embrasemens, pillages, sacs de villes, prises de forteresses bref, une continuelle frayeur, qui, nuit & jour, faisoit glacer les cœurs de ces peuples. Enfin, cette rude bastonnade les réveilla & leur fit lever les yeux & les cœurs au Ciel, pour y chercher le pardon de leurs pechez & quelque consolation en leurs adversitéz.

II. Dieu exauça les humbles prieres de ce pauvre peuple, donnant un fils au Roy, lequel, en sa naissance, apporta la paix au Royaume ; car les deux Roys, lassez de la guerre, en un pourparler & abouchement qu’ils eurent, signèrent les articles de la paix ; &, pour la rendre ferme et inviolable, ils conclurent le mariage du petit prince Efflam, nouvellement né, & de la Princesse Honora, fille du Roy adversaire quoy fait, un châcun licencia ses troupes, les armes furent posées bas par tout, & une tranquillité universelle fut renduë aux deux Royaumes. S. Efflam, attendant estre en âge de pleine puberté pour épouser sa fiancée, passa ses jeunes ans vertueusement, & fut curieusement instruit en tous exercices vertueux, qui servent à perfectionner un jeune Prince de telle maison & de si belle esperance que luy mais il se plaisoit sur tout aux exercices de piété & de Religion, à l’Oraison, l’Aumône, le Jeusne & Abstinence, mattant sa chair & la rendant sujette à l’esprit, se disposant, par ses beaux exercices, à ce à quoy Dieu l’inspira depuis. Par son exemple, il instruisoit les jeunes Princes qui luy estoient donnez pour l’assister & les ayant sondez à découvert qu’ils estoient bien avant navrez de l’amour de Dieu, & désireux de le servir en l’estat Monastique, il les assembla, un jour, en sa chambre, & leur ayant tenu un long et beau discours de la vanité de ce monde, leur ouvrit son cœur & leur dit Quant à moy, [mes amis), je suis résolu de prévenir le monde, le trompant avant qu’il me trompe ; il me promet la Couronne de ce royaume, les richesses & Estat de mon père, une dame belle, vertueuse & digne du plus grand Prince de la terre ; tout cela est specieux & grandement désirable à ceux qui ne regardent que l’apparence extérieure des choses ; mais, quant à moy, je quitteray volontiers mon Pere, mes biens, mesme mon pays, pour courir après les vestiges de mon Sauveur & chercher quelque lieu désert pour lug consacrer tous les jours de ma vie.

III. Tous ces jeunes Seigneurs, la larme à l’œil, rendirent graces à Dieu &protestèrent au Prince, que comme ils luy esloient fidélles serviteurs & domestiques, aussi estoient-ils