Page:Le Grand Albert - La Vie des Saints.djvu/616

Cette page n’a pas encore été corrigée

LA VIE DE S. WINOKH.

Religieux, S. Winokh excelloit en humilité, tâchant à se rendre autant petit & abject en la maison de Dieu, qu’il avoit esté grand & illustre dans le siècle. Le Roy S. Judicaël, ayant sceu que ses deux frères Josse & Winokh avoient choisi la meilleure part, s’estans retirez hors du siècle en l’Ordre de S. Benoist, les voulut imiter ; &, s’estant démis de sa pourpre royale, se rendit Religieux au Monastere de S. Méen de Gaél & y fit profession de quoy S. Winokh, ayant esté averti, alla, par permission de S. Bertin, son Abbé, le visiter, &, par ses saintes exhortations, il l’encouragea à persévèrer en l’état de Religion. S. Bertin, voyant le progrès que S. Winokh avoit fait en la vertu, luy commanda, en vertu de sainte Obedience, d’aller, avec ses trois compagnons, en une métairie qui appartenoit au Monastere de Sithieu, pour y recevoir les passans & exercer l’hospitalité en leur endroit ce qu’il exécuta, y faisant bâtir, à cét effet, un beau logis & une Chapelle, où il celebroit la Messe, récitoit le service Divin avec ses confrères & recevoit charitablement tous les passans indifferemment, les servant avec une grande charité, leur lavant luy-même les pieds, les servant à table, faisant leurs lits, les edifiant autant par ses saints discours, qu’il les secouroit par ses charitez & aumônes. III. Cependant que S. Winokh & ses confrères s’occupoient en ces charitables exercices, en l’hospice du Mont-Winokh (ainsi fut nommé ce lieu), un bourgeois de la ville de Cassel, en basse Flandres, nommé Hadamare, meu de la reputation de S. Bertin, l’alla visiter à Sithieu & luy donna une sienne métairie, nommée Wormholt, située prés ladite ville de Cassel, & nombre suffisant de revenu pour y fonder un Monastere, qui seroit peuplé de Moynes de Sithieu S. Bertin accepta l’offre & les conditions & commanda à saint Winokh de s’y en aller avec ses trois confrères, pour donner ordre au bastiment du nouveau Monastere, lequel il bastit & rendit parfait & accomply en deux ans, avec un petit hospital tout joignant, pour recevoir les pelerins, & continuer ses charitables exercices d’hospitalité. Les Religieux de Sithieu s’y logerent, &, étans assemblez en chapitre pour faire élection d’un Abbé, nommèrent saint Winokh, lequel fut beny par l’Evêque Diocesain, sans avoir égard à ses excuses. Pour cette dignité, il ne changea rien de son humilité ordinaire, laquelle jettoit d’autant plus haut lustre & éclat, qu’elle se remarquoit en une personne de sa qualité, car tout Superieur qu’il étoit, il ne desdaignoit de servir aux plus vils & bas offices du Convent, comme le moindre des serviteurs de la maison. Il avoit juré une guerre mortelle à l’oisiveté, comme la pepiniere de tous les vices, & ne pouvoit demeurer, ny voir ses Religieux sans rien faire mais les occupoit à quelque travail honneste, ayant toujours en la bouche cette sentence de l’Apostre Celuy qui ne lravaille, ne mangera pas. Dieu ayant appellé à soy ses trois compagnons, il les enterra dans le Chapitre du Monastere & fit prier pour le repos de leurs Ames.

IV. Il estoit si assidu à l’Oraison, que, la plupart du temps, il étoit ravi & extasié en la contemplation des divins Mysteres. À ce propos, on raconte de luy, qu’un jour estant allé en la boulangerie pour moudre du grain dans le moulin à bras qui y estoit, pendant cette action, il se laissa tellement emporter à la contemplation de quelque Mystere, que, tombant à genoux, les mains jointes, il quitta le moulin. Ses Religieux, l’estans venus chercher, le trouvèrent en cette posture, & le moulin (chose miraculeuse) qui tournoit & mouloit toûjours, sans que personne y touchast, dont ils restèrent bien estonnez un de la compagnie s’avança de regarder de prés pour voir si le moulin faisoit de la farine ; mais sa curiosité fut sévèrement punie, car il devint aveugle, tout sur le champ. Saint Winokh, retourné de son extase, et entendant ce qui estoit arrivé à ce pauvre Religieux, se remit en prière, puis, se levant, luy rendit la veuë. Ayant saintement gouverné ses Religieux, enfin il deceda, & fut honorablement ensevely dans ledit Monastere de Wormholt, où Dieu a fait plusieurs grands miracles par son intercession. Le feu s’estant