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VIE DE SAINT MARTIN,

Chanoine et Archidiacre de Nantes et Abbé de Vertou, Co7 !/esseHf~ 24. Octobre.

AiXT MARTix, surnommé de Vertou, à cause qu’il a esté premier Abbé & Fondateur du Monastere de Vertou, au Diocèse de Nantes, naquit, environ l’an de grâce 527. sous le Pontificat du Pape S. Felix LV. du nom, l’Empire de Justinian I. & le règne du Roy Hoël II. du nom, surnommé le Fainéant.

Son père estoit Seigneur de ~eray, & sa mère estoit dame de grande maison en Aquitaine, lesquels, ayans eu ce benit Enfant, le nourrirent & élevèrent soigneusement en leur maison, jusqu’à ce qu’il fut parvenu en âge d’étudier, qu’ils l’envoyèrent à Nantes &, lors qu’il fut capable d’instructions & sciences plus relevées, il fut envoyé à Tours achever ses études. Or, Dieu, qui en vouloit faire un vaisseau d’élection & un grand Predicateur, luy avoit, dés son enfance, donné un dégoust du monde & extrême désir du Ciel, qui alloit croissant en luy avec l’âge, de sorte qu’il ne désiroit rien plus que de se décharger entièrement des embarras du siècle pour s’adonner à Dieu, lequel luy en offrit une belle occasion ce fut que S. Felix qui, dés l’an 559. avoit esté sacré Evesque de Nantes, alla à Tours, l’an suivant 560. visiter l’Archevesque pour quelques affaires de son Église, où il fut voir S. Martin, alors âgé de 32 à 33 ans, qui luy déclara son intention & le supplia de luy ayder à la mettre à exécution le saint Prélat, ayant reconnu que sa vocation venoit du Ciel, l’amena à Nantes & le retint chez luy, avec ses autres Clercs qu’il élevoit pour gouverner les Cures de son Diocese & prescher la parole de Dieu, &, luy ayant conferé les Ordres Mineures & Majeures, le fit Chanoine & grand Archidiacre de son Église &, connoissant sa capacité, il luy commît la Prédication de la parole de Dieu.

II. La tradition de père en fils, outre les anciennes histoires, porte, qu’avant que Jules César eut conquis les Gaules, la ville de Nantes estoit bastie de part & d’autre de la riviere de Loyre, & estoit plus grande & peuplée du costé du midy que du costé du nord, à cause que ladite riviere, jointe à celle de Sevre, qui, venant de Clisson, y tombe au pont Rousseau, fluoit, de toute sa grandeur, de ce côté du Midy, jusqu’à ce que S. Felix en divertit le cours de l’autre côté, par le moyen du canal qu’il fit faire entre les prez de Mauves & de la Magdeleine, le long des murs de la ville & du port, ou Fosse de Nantes. Or, les habitans de cette Nantes meridionale, ayans adheré aux Vennetois, leur ayans aydé de conseils, d’armes, d’hommes & d’argent, contre Jules César, se ressentirent de la fureur de ce grand ; capitaine, lequel, ayant rompu l’armée navale desdits Yennetois, & rendu leur ville tributaire à l’Empire Romain, entra avec son armée victorieuse dans la Loyre & se vint présenter devant Nantes, dont la ville qui estoit vers le Nord se rendit ; mais ceux du costé du Midy, craignans sa fureur, ne l’osèrent attendre & se sauvèrent plus avant dans le Pays, emportans le plus beau & le meilleur de leur bien, & se cachèrent dans des marais que faisoit la petite riviere de Bologne, se tenans à couvert parmy les joncs, pavots & autres herbes de marais, sans s’oser trouver à la campagne, qui estoit couverte de soldats Romains lesquels, ayans pillé cette Nantes meridionale, y mirent le feu & abbâtirent ses murs, tours, portaux & édifices publics, dont on voit encore quelques vestiges au bourg qui, de cette aventure, s’appelle encore Rezay (1), comme qui diroit Razé. Et, depuis, Paulus ~Emilius, Proconsul des (1) Aujourd’hui paroisse rurale où l’on trouve quantité de traces de l’occupation romaine. – A.-M. T.