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LA VIE DE S. VICTOR DE CAMPBON.

laquelle mit fin au Noble Royaume de Bretagne, l’an 878. & nous priva des Corps de nos Saints Patrons, que les Normands, ayans pris terre à Saint-Nazaire, saccagèrent tout le Comté Nantois, &, entr’autres lieux Saints, razèrent l’Église et l’Hermitage de S. Victor & brûlèrent la Paroissiale de Camphon, ensevelissans dans ses ruines la mémoire de ce Saint, duquel l’Église et l’Hermitage estoient fréquentez des Bretons, à cause des grands miracles que Dieu y faisoit par son intercession.

II. Ce neanmoins, après le cours de quelques années, la devotion se ralluma vers ce Saint, par un accident estrange qui fut tel. Du temps du Pape Jean XV. sous l’Empire d’Otton III. le Duc Conan I. du nom (dit de Rennes) estant mort, le Prince Geffroy, son fils aisné, succéda à la Couronne, régnant en France le Roy Robert, l’an de grâce 962. Ce Prince, trouvant Judicaèl, Comte de Nantes, haut à la main & refusant de luy rendre l’hommage de sa Comté, pour premier exploit résolut de le plier & mettre à la raison ; pour à quoy parvenir, il mist sur pied une puissante Armée & fit le dégât par le Comté Nantois, résolu d’assiéger la Ville, si Judicaël ne se fust mis en son devoir. Le Duc, ayant pris logis, une nuit, au Bourg de Camphon, les granges & escuries ne pouvans suffire e pour loger les chevaux, les valets & goujats, voyans les murailles de l’Oratoire de saint Victor encore sur bout, & les prenans pour les ruines de quelque édifice prophane, y accommodèrent des perches de travers, d’une paroy à l’autre, le couvrirent de glé & de foin, & y logèrent autant de chevaux que le lieu en pût comprendre ; mais Dieu punit cette irreverance ; car, le lendemain, tous les chevaux qui y avoient esté logez furent trouvez morts sur le carreau. Cét accident, rapporté au Duc, l’estonna & attrista fort ; mais le Curé de Camphon l’avertit que « ce lieu avoit esté toûjours estimé Saint, parce que ç’avoit esté l’Hermitage d’un grand serviteur de Dieu, lequel y avoit esté enterré, duquel le Sepulchre avoit esté, autre fois, religieusement visité par les Pèlerins mais que les Normands, ayans brûlé ce Saint Lieu, nous en avoient presque ravy la mémoire. » Le Duc, qui fut un des plus religieux Princes de son temps (aussi fit-il rebastir & réformer la pluspart des Monastères de son Duché), ayant ouy ce rapport, fit nettoyer ce lieu, visita le tombeau du Saint, y fit ses prieres, & donna au Curé une grosse somme de deniers pour faire rebastir cét Hermitage. III. Dans peu de temps, le Curé réedifia la Chapelle & dressa le Sepulchre du Saint, auquel accouroient, de toutes parts, les malades pour recouvrer leur santé, & Dieu fit plusieurs miracles en ce lieu par l’intercession de ce Saint, ce que voyant un certain personnage, nommé Chambennus qui avoit long-temps porté les armes, il faisoit laver les Ossemens de saint Victor en de l’eau beniste, &, ayant mis cette eau dans des bouteilles & semblables vaisseaux, alloit la distribuer aux malades, qui, pour leur actuelle infirmité, ne pouvoient aller en personne visiter les Reliques de S. Victor, de laquelle eau, si-tost qu’ils avoient bu, ils estoient gueris ; & continua long-temps cét homme à porter cette eau par la Bretagne Haute & Basse, l’Anjou, Poitou, Maine & Normandie (1).

IV. Il y avoit, en la Paroisse de Camphon, un honneste personnage, nommé Vivian, fort devot envers S. Victor, lequel, sa femme étant morte, se fit Prêtre & faisoit écolle aux jeunes Clercs qui aspiroient à la Prêtrise, leur apprenant le Chant Ecclesiastique qu’il sçavoit parfaitement entre ses écolliers, il avoit son fils, nommé Jamgonus, jeune enfant leger & tout à fait fripon, lequel, un jour que son père estoit absent, dit à ses condisciples « Or sus, Enfans, voulez-vous que nous expérimentions si S. Victor, duquel les Reliques sont si honorées de tout le Peuple, est vraiment si grand Saint, comme on le croit ? Allumons un feu & y jeitons ses ossemens pour voir si le feu les (li Après lm d’autres firent de même, et cet usage s’est conservé tant que la chapelle de Saint-Victor a possédé le reliquaire dont il sel a parlé plus loin. – A.-M. T.