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LA VIE DE S. GUILLAUME.

examiner les témoins qu’il avoit amenez quant & soy, & plusieurs autres qui, pour le mesme sujet, s’estoient là rendus, sa Sainteté, ayant entendu la lecture d’iceux & interrogé lesdits témoins, qui luy furent présentez en plein Consistoire, par un Cardinal & autres qu’il avoit commis pour cette affaire, du commun consentement du sacré College & des autres Prélats qui se trouvèrent lors en Cour, il le Canoniza solemnellement, le 17. jour devant les Kalendes de May, qui est le 15. Avril, l’an de grâce 1247, le 4. de son Pontificat.

LETTRE DU PAPE INNOCENT IV. AU ROY DE FRANCE.

XXIII. « Innocent Evêque, serviteur des serviteurs de Dieu, A nôtre très-cher fils en Il Jésus-Christ l’Illustre Roy de France, Salut & Benediction Apostolique. Le Patriarche Jacob, estant arrivé au lieu où il desiroit reposer, après le Soleil couché, prît pour son chevet les pierres qu’il trouva contre terre, & dormit en ce lieu ; à l’imitation duquel, le bien-heureux Guillaume, de sainte mémoire. Evêque de Saint-Brieuc, au chemin de cette vie présente, n’a point desisté de dormir au monde, appuyant prudemment son Chef spirituel sur la pierre, que les édifians ont réprouvée car estant attentif & affectionné aux vertus, se retirant, autant que sa dignité Pontificale le permettoit, du bruit & tumulte de ce monde, il tint soigneusement, dés sa plus tendre jeunesse, les yeux fermez à la concupiscence, que le seducteur avoit ouverts à nos premiers parens à celle fin que, son regard interieur, ne fléchissant point aux choses de la terre, fust plus libre pour contempler la Majesté de Dieu, car il sçavoit fort bien que servir à deux Maîtres, se rejouïr avec le Monde, et régner avec Jésus-Christ, c’est chose que nous ne trouvons point avoir esté concedée à aucun des mortels ; c’est pour quoy, méprisant ce monde, il a banny, loin de ses actions, les concupiscences d’iceluy, & crucifiant sa chair avec les vices, au moyen de sa grande austérité de vie, il l’a offerte, avec Jephté comme sa Fille unique, en sacrifice à Dieu, sur le brasier d’une ardente charité, &, de cette façon, il a assujetti les concupiscences de la chair & des yeux à la loy de la raison alors, l’ennemy du genre humain, qui a de coûtume de livrer une plus rude guerre aux Ames plus sincères, commença à l’assaillir plus vivement, s’efforçant de faire que celuy qui avoit son esprit toûjours élevé en Dieu décheût de cét heureux état par la superbe de la vie, qui naist bien souvent de la victoire des autres vices ; mais le Saint Evesque, comme un autre Jacob, supplantateur des vices, prenant en main la susdite pierre (à sçavoir nostre Seigneur Jésus-Christ), avec laquelle pierre, David avoit, autre fois, porté par terre, miraculeusement, le prodigieux Geant Philistin, Goliast, il debilita tellement les efforts de Sathan, qu’encore qu’il ne laissast de luy porter envie, crainte neanmoins d’être, une autre fois, surmonté, il n’avoit plus desormais, la hardiesse de l’attaquer, & ne se faut pas étonner, si l’ennemy ne gagnoit rien sur celuy qui, par l’assiduité de ses Oraisons, touchoit, incessamment, la Harpe de David, laquelle, par la douceur de son harmonie, ne pouvoit souffrir que Saül, Roy a d’Israël, fust molesté du malin esprit, &, par ainsi, remportoit, avec l’assistance a Divine, un glorieux triomphe du Monde, du Diable & de la Chair il mérita de voir, non seulement l’échelle sur laquelle le Seigneur estoit appuyé, & par laquelle Jacob vit les Anges monter & descendre, mais luy-mesme monta & descendit par icelle, pour s’unir à son Créateur par le doux exercice de la contemplation, &, par fois aussi, en descendit, par une compassive affection aux infirmitez de ses sujets, d’autant que, pour ne profiter pas seulement à soy-mesme en cette vie, ne chérissant que la seule Rachel, c’est à dire, ne s’adonnant qu’à la contemplation belle & agréable, sterile