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LA VIE DE S. TENENAN.

qu’ils voulussent piller ladite Église. Ce Seigneur, obeïssant au conseil du Saint, entreprit cet Edifice & y fit travailler en telle diligence, qu’en peu de jours il le conduisit en perfection. Sur ces entretiens, l’alarme se donna par tout ; les Barbares approchent ; saint Tenenan porte v istement les Vases Sacrez dans cette tour, dans laquelle ce Seigneur (1) entra courageusement tout seul, armé de ses Armes ordinaires, résolu de la garder au prix de son sang ; & n’ayant eu le loisir, pour la subite & inopinée irruption des Barbares, de faire lever la porte sur ses gonds, il la boucha, par dedans, d’une demie rouë de charctte qu’il trouva auprès & s’y barricada du mieux qu’il luy fut possible. À peine eut-il bouché la porte, que l’Armée des Barbares investit l’Église de Ploubennec & cette tour Saint Tenenan, avec ses Prestres iï’e7M7 !, Armen & Sena/t. le Clerc Glanmeus & tout le Peuple, s’estoit renfermé dans le fort de Lcsquelcn, prians incessamment Dieu & invoquans sa misericorde, & avoient jetté quelques sentinelles perduës par cy, par là, hors l’enclos du Fort, aux barricades & dans la Forest, pour leur donner avis de ce qui se passoit.

IX. Les prieres de S. Tenenan ne furent infructueuses ; car les Barbares, quelques efforts qu’ils pussent faire, ne purent entrer dans l’Église, ny par les portes, ny par les vitres, quoy qu’ils tâchassent, par plusieurs fois, de les briser ce que voyans tous, hors de sens & furieux, vinrent investir, de toutes parts, ladite tour, armez de haches & de fagots pour mettre la barrière & le feu dedans mais (ô prodige !), comme ils venoient ainsi fondre de furie sur cette place, ils virent, tout à coup, la plaine couverte d’une grosse Armée preste à les aborder pour combattre, &, sur le sommet de la tour, apperceurent un brave Cavallier armé de blanc, monté avantageusement sur un beau Coursier blanc, tenant une épée flamboyante dans la main, lequel, d’une voix effroyable, encourageant ses gens, découragea & épouventa tellement les Barbares, qu’ils se prirent à fuir, ne pensans seulement qu’à qui coureroit le mieux, sans oser, depuis, approcher de ces quartiers ; & ainsi Dieu, par les prieres & mérites de son fidèle serviteur saint Tenenan, délivra tout ce Païs de la cruauté de ces Infidéles ce que bien reconnûrent les Princes & Seigneurs Bretons, après la retraitte des Danois, & vinrent remercier saint Tenenan, donnans plusieurs Privileges, Heritages & Rentes à son Église de Ploubennec.

X. Environ ce temps, pendant que nôtre saint Tenenan gouvernoit en toute sainteté ce Peuple, saint Goulven, Evêque de Léon, étant allé à Rennes pour quelques affaires d’importance, y tomba malade & paracheva saintement le cours de son pelerinage & fut enseveli au Monastere de Saint Mélaine les Rennes. La nouvelle apportée en la ville d’Occismor, (qui, perdant ce nom, commençoit à estre appellée Saint-Paul) attrista tous les Leonnois ; lesquels, ayans solemnellement celebré ses obseques, s’assemblerent pour luy élire & choisir un successeur, qui dignement occupast ce Siege après luy. Le saint Esprit invoqué, & toutes les cérémonies accoustumées ayans esté faites, procedèrent à l’élection, & tous, unanimement, nommerent, saint Tenenan absent, & députèrent aucuns d’entr’eux pour luy aller porter leur élection & l’amener en la Ville. Ces Députez l’allèrent trouver à Ploubennec luy annoncèrent la cause de leur arrivée, le saluans Evesque de Léon, le conjurans d’accepter l’élection de luy faite par une conspiration unanime & universel consentement du Clergé & du Peuple. Le Saint, à qui son humilité faisoit penser qu’il estoit indigne de cette Charge, se troubla un peu à ces nouvelles, puis leur répondit « Qu’il sentoit ses épaules trop /u :’Mes pour supporter un fardeau si pesent ; qu’il falloit se pon/’uotr d’Hft au~’e plus capable que Zu ! Les Députez, le voyans ainsi reculer, le pressèrent tellement & luy fournirent tant de fortes raisons, qu’à la fin (1) J’ay trouvé que de ce Seigneur sont issus les Seigneurs de Kernaavan qui portent pour leurs armes d’Azur à une tour d’Argent portée d’une demie roue de charette sous la porte. A.