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LA VIE DE S. THURIAN.

trouverent, de bon matin, à leur besongne ; mais il leur fut cher vendu ; car, comme ils estoient montez sur leurs échaffauts, prests de mettre la main à la besongne, le par de muraille auquel ils travailloient & qui estoit déjà fort haut de terre, fondit sous eux, renversa leurs échaffauts, couvrit les uns sous ses ruines, aux autres rompit bras ou jambes, ou autres membres, & ainsi reconneurent, malgré qu’ils en eussent, qu’il faut obéir plûtost à Dieu & à nostre Mere Sainte Église, qu’à nostre convoitise, & plus respecter les Saints que les hommes l’Architecte seul, qui les avoit induits à mépriser la celebration de la Feste, se rompit le col, demeurant brisé sous les ruines. IX. Un autre grand Miracle arriva, en la même Ville, par les mérites du saint Prélat, en présence de ses Os sacrez. Un bon personnage de Paris, tenant hostellerie, avoit fait grande provision de foin & de paille, qu’il avoit mis en un grenier pour l’usage de son escurie ; arriva que, la nuit, tout le monde dormant, le feu y print ne sçait-on comment ; que, dans peu de temps, ce ne fut que feu & flamme ; les pauvres gens, se levans en sur saut, travaillèrent bien à gagner la rue, le monde y accourut ; on y jetta l’eau à pleines cuves mais en vain, tant estoit grand l’incendie voyans donc les moyens & remèdes humains leur manquer, ils eurent recours à Dieu & à saint Thurian, allèrent à Saint-Germain des Prez, d’oit les Moynes apportèrent reveremment les saintes Chasses, lesquelles ils apposèrent au feu, qui, en leur présence (chose merveilleuse), s’esteignit entièrement, dont tous les assistans rendirent graces à Dieu & au saint Prélat, & fut rapporté son saint Corps à Saint-Germain & posé dans son Reliquaire sur l’Autel de Saint Michel.

X. Presque semblable Miracle arriva, une autre fois, dans la mesmc ville de Paris la saison des vendanges approchant, on accomodoit, es celliers du Roy, les vaisseaux & fustailles destinez pour y recevoir le vin de provision comme on faisoit bouillir de la braye, goydron & de la poix pour poisser & cimenter lesdites tonnes, le feu se prit à la poix & étouppes, de là aux vaisseaux mêmes, puis au cellier, & du cellier au Palais Royal, qui estoit tout joignant mais si subitement, qu’on ne put si-tost y remedier, que la flamme ne se fust éparse par tout ; on y accourut de toutes parts pour tascher à y remedier, mais en vain on courut aux prochaines Églises, d’où on apporta les saintes Reliques pour les apposer, comme très-forts boulevards à la fureur de cét Element. Mais Dieu, voulant manifester la gloire de saint Thurian, voulut que le feu ne leur fist place, mais sembloit s’irriter de plus en plus on vint à Saint-Germain querir les Reliques du saint Archevesque, lesquelles apportées furent mises dans un chariot, & puis iceluy poussé au milieu des flammes, lesquelles, cedans à la vertu de ces sacrées Reliques, s’amortirent subitement & si ne firent tort quelconque au chariot, moins encore aux Chasses des saintes Reliques. Saint Thurian est devotement réclamé en ladite Abbaye de Saint-Germain des Prez, où sont ses Reliques, & à Dol, auquel Diocese il y a des Églises & Chapelles de son nom. Il est aussi Patron de l’Église & Bourg de Landlhivisiau, Diocese de Léon (1).

Cette Vie a esté par nous recueillie de ce qu’en dit le Martyrologe Romain, le 13. Juillet, et le Cardinal Baronius sur icclmj ; les anciens Breviaires imprimez de Dol, Léon, Cornoiiaille et Nantes ; les Legendaires manuscrits de Léon, Nantes et Xreguier Surius, tom. 3, liv. 13, Juillet, qui l’a prise de celle que Vincent Baralli de Salcrne a prise d’un (1) Et aussi de plusieurs autres paroisses en Bretagne, en particulier de la belle église de Plogonnec où il est honoré avec le protomartyr saint Étienne. Sur le portail principal se lit cette inscription où tous les mots du premier vers commencent par la lettre T initiale du nom de Turiau et où la confiance chrétienne et la mythologie sont étrangement associées

Tu Turiave tuam turrim templumque merc

Ne noceant illis trisulca tela Jovis. A.-M. T.