Du Temps du Pape saint Innocent I. du nom, & des Empereurs Arcade & Honoré, environ l’an de grace 403 (1), regnant en nostre Bretagne le Roy
Grailon I. du nom, surnomm le Grand, il y avoit un Prince en certain canton (2) de la grande Bretagne, nomm Brokhan, dcscendu de la race du grand Gnthiern, jadis Roy de ladite Isle, si riche & si puissant, qu’il se nomma Roy des
Provinces & Villes qui estoient en sa domination. Ce Prince, par l’avis des Estats de sa
Province, épousa une Noble Dame, nomme Menedux, de la lignée du grand Constantin
& autres Roys ses Ancestres. De ce Mariage ils eurent quatorze Enfans, tant Fils que Filles, lesquels, disans adieu au monde, se rendirent Religienx en divers Monasteres, & aucuns, desireux du salut des Ames de leur prochain, ayans reccu les Saints Ordres,
allerent prescher l’Evangile s Provinccs éloignées, tant de l’Isle que d’outre-Mer.
II. Brokhan & Menedux (3) se voyans sans Enfans, & que Dieu !es avoit apel!ez h son service, s’en affligerent extremement, toutefois, se conformans entierement à sa divine volonté & s’adonnans à l’Oraison, ils faisoient de grandes aum6nes g, autres ceuvres pieuses, prians Dieu, si c’cstoit sa volont6, quql lcur donnast Fils ou Fille qui pfist succcdcr/t lcurs Estats. Lc Prince Brokhan, pour mieux obtenir ce qucsi ardemment il desiroit, sc setvie des Prieres & Oraisons des Prestres & Religieux, auxquels i! fit bastic un Oratoire, en unc Montagne proche de la Ville oh il faisoit sa demeure, dans lequel il se retira avec eux & jefina une quarantaine, avec telle rigueur & austerité, qu’il ne prenoit sa refection que trois fois la semaine en commun avec los Rcligicux, se contentant des mets qui leur toient serxis. La Princesse Menedux, sa Femme, reste en Ville, ne s’affiigcoit pas moths de Penitences & austcritcz, vivant en son Palais cornroe dans un Monasterc. Enfin, Dieu cxauca lcurs Oraisons, &, la nuit du Vcndredy Saint, que Brokhan toit en prieres, il luy envoya un Ange qui luy commanda de s’en retourner en son Pa!ais, & qu’il luy naitroit unc Fille, laquclle il nommeroit Nennok. Brokhan, ayant ouy cos nouvelles, en rendit graces à Dieu, &, apres les Fcstcs de Pasques, s’en retourna vers sa Femme, à laquelle il recita ce que l’Ange luy avoit revc16, dont elle remercia Dieu & promist de donner de grands revenus aux Eglises & Monasteres de son Estat.
III. Menedux conceut, &, ncuf mots apres, accoucha d’une fille, laquelle fut baptizée par un saint Abbé d’Escosse, nomm Colmchille (4), qui, pour quelques affaires d’imporrance, étoit venu vers Bro ’klmn, & ful tenu sur les Sacfez fonds de Baptesme par un grand Seigneur, nomm Gurlehenlelins, dit Ilfin, 86 sa femme Guen-Arkhant, proches patens de sa mere Menedux; ehez lesquels eette Prineesse Nennok fur rendu6, si-tost qu’e!le cut quittd la mammelle, & y demeura jusqu’à l’âge de quinze ans, croissant en vertus 8, perfections aussi bien qu’en âge. Elle estoit d’une humeur douce, humble, modeste, obeissante, adonnde h l’Oraison, / la lecture; frequentoit les Eglises 8 Monasteres; entendoit devotement la Messe & les Predications riter6es au logis, off
l t Vets le temps de la mort do saint Guenael, d’aprs 1. de la Borderie (585/t 590). A,-M. To
(2 t In Combronensi regione. k. -- C’est-a-dire le $trat-Cluydl.
{3) Ou Meneduc.
(4) C’est l’illustre saint Columba ou Kolomkill, abbé d’Iona, disciple aimé de saint Patrice, Voit Ies Moines dfOccdent, par M. le Comte de Montalembert, ou la Poesie des Cloîtres Celtiques, par M. Hersart de la �illemarqu. -- A.-M. T.
