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blesse autant la justice que le sentiment national dont les Bretons sont universellement animés. Je serais heureux, si je suis encore à Rome lorsque vous y viendrez, de vous conduire sans éprouver un trop vif chagrin, à cette Église que vos prédécesseurs ont sans doute chérie, et de lire avec vous sans éprouver une sorte d’indignation ces mots qui peut-être furent gravés à son fronton par un Evêque que de Quimper : « Sancto Ivoni, pauperum et viduarum advocato, natio Britanniœ dicavit. » — (Archives de l’Évêché de Quimper.)

Depuis plusieurs années le vœu formulé par l’abbé L. de Léséleuc est réalisé, comme on le verra plus loin.

MONUMENTS DE SAINT YVES (J.-M. A.).


e manoir de Kermartin où naquit saint Yves a passé dans le cours des âges aux familles de Quélen et de la Rivière, puis en 1754 devint propriété du marquis de la Fayette, père du célèbre général, par son mariage avec Julie-Louise de la Rivière, dame de Kermartin. En 1792, ils vendirent cette terre au comte de Quélen de la Villechevalier. (Archives des Côtes-du-Nord, Fonds La Rivière, etc.). En 1824, Mgr Hyacinthe de Quélen, archevêque de Paris, fit démolir la vénérable demeure pour construire à la place une banale maison de fermier, sur laquelle une simple plaque de marbre rappelle désormais le souvenir du grand saint. La seule chose contemporaine de saint Yves qui soit encore conservée en cet endroit, c’est le vieux colombier où ses yeux d’enfant ont dû suivre bien souvent le vol des pigeons qui s’y abritaient.

La chapelle du Minihy-Tréguier, fondée en 1293 par saint Yves, a été rebâtie plus grandiosement et plus richement en 1480 ; on y voit une copie de son testament, sa vie est retracée en détail dans les vitraux, et l’on conserve dans la sacristie les restes de son bréviaire, magnifique manuscrit sur vélin.

ÉGLISE DE LOUANEC.

J’ai eu en septembre t890 le bonheur de visiter la vieille église romane de Louanec, dont saint Yves fut recteur, de 1294 à 1315. Vers 1895 elle a été démolie pour faire place à une église neuve. Je laisse la parole à M. de la Borderie pour qualifier comme il faut cet acte de barbarie. (Bulletin de l’Association Bretonne, classe d’Archéologie, tome 13e, Congrès tenu à Rennes, 1897.

« C’est assez, ou plutôt c’est trop, c’est beaucoup trop d’avoir à signaler l’un des plus tristes forfaits du vandalisme, la destruction d’un sanctuaire contemporain de saint Yves, et dans lequel cet incomparable modèle de vertu, de justice, de piété, de charité, ce grand protecteur de la Bretagne, avait exercé pendant onze ans les fonctions de pasteur des âmes. Il s’agit de l’église de Louanec, dans la presqu’ile de Tréguer, non loin de la magnifique baie de Perros.

Cette église comprenait deux parties: le chœur, du XVe-XVIe siècle, semblable à beaucoup d’autres de la même époque, et la nef qui était romane. La nef se composait, de droite et de gauche, de trois arcades en plein cintre, séparées par de massifs piliers, surmontées de petites fenêtres aussi en plein cintre fortement ébrasées dans la massive muraille, qui dénotaient certainement le XIe ou le XIIe siècle. Elle n’était pas, cette nef, un modèle d’élégance, je le reconnais mais pendant onze années elle avait vu le grand saint Yves, le patron de la Bretagne, accomplir dans son enceinte les rites sacrés, y proclamer la doctrine évangé1ique, en consacrer toutes les pierres par ses prières, les arroser de ses bénédictions et embaumer de sa vertu, de sa charité incomparable tout l’édifice. Cette nef était vraiment une relique du saint au même titre que la chasuble d’étoffe byzantine conservée dans la même paroisse sous le nom de chasuble de saint Yves. Saint Yves avait revêtu cet ornement sacré ; mais n’était-ce pas aussi un ornement sacré cette vieille église, ces murs antiques qui l’environnaient quand il épanchait devant Dieu