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estoit par luy employé à lire les saintes Escritures ou en saintes Conferences avec les autres Religieux.

VII. Ayant passé les vingt-quatre, premieres années de son âge en cette façon que nous venons de dire, deux jeunes Clercs s’estans presentez à S. Germain pour estre par luy ordonnez Prestres, le Saint commanda à son disciple Brieuc de se disposer pour recevoir le mesme Ordre. Encore bien que son humilité luy fist croire qu’il estoit indigne du Sacerdoce, neanmoins il obeït humblement à saint Germain, & fut par luy Sacré en l’Église de N. Dame de Paris, l’an 549. Comme le saint Prélat l’ordonnoit, l’on vid comme une colomne de feu descendre sur sa teste, dont tous les assistans jugerent que Dieu ratifioit, par ce signe visible, l’ordination de ce sien serviteur. Ayant chanté Messe, se souvenant de la resolution que ses Pere & Mere avoient faite de se faire Chrétiens, & craignant qu’ils ne l’eussent encore executée, il eût desir d’aller les voir, & fut confirmé en cette volonté par un Ange qui luy apparut & lui commanda de se diligenter. Ayant donc obtenu licence, obedience & un compagnon, il prit congé de son Abbé & de ses Confreres & se transporta en un Havre, où, trouvant les Nautonniers d’un vaisseau de son Païs qui attendoient le vent, il y avoit sept jours, il fit priere à leur intention, &, à l’aube du jour, le vent leur soufflant à gré, leverent les ancres & firent voile ; mais comme ils estoient en pleine mer, ils virent une grande troupe de Dauphins & autres gros poissons & monstres marins, qui commencerent à troubler la mer, heurter le vaisseau, & mesme aucuns s’élancerent dedans, faisans contenance de vouloir devorer les Mariniers, bien étonnez de cette nouveauté ; mais saint Brieuc, recourant à ses armes ordinaires de l’Oraison, chassa cét esquadron de monstres & rendit le calme.

VIII. Il arriva heureusement en son Païs, le premier jour de l’an 550, & alla droit chez son Pere, lequel il trouva celebrant les festins du faux Dieu Janus, qui duroient trois jours ; mais comme d’ordinaire (selon le dire du Sage) les joyes de ce monde se terminent en tristesse, la réjoüissance de cette feste fut troublée par un accident qui y arriva ; car un des conviez sauta & dansa tant, aprés estre saoul, que, tombant de sa hauteur, il se rompit la cuisse. Saint Brieuc, arrivant là dessus, resjoüit toute la compagnie, nommément ses Parens ; mais, d’ailleurs bien mary de les voir encore croupir au Paganisme, commença à leur prescher l’Evangile ; &, pour confirmation de la doctrine qu’il leur Preschoit, il fit le signe de la sainte Croix sur la cuisse rompuë de ce pauvre homme, &, par ce moyen, le guerit ; ce que voyans les Parens d’un pauvre garçon qui, peu auparavant, ayant esté mordu d’un chien enragé, estoit devenu furieux, l’amenerent au Saint, lequel, luy ayant mis les doigts dans la bouche, le guerit entierément. Voyant ses parens disposez de recevoir le S. Baptesme, & aussi la pluspart de ses patriotes, il leur ordonna un jeûne de sept jours ; puis, les ayant cathechisez, les baptisa. Il planta des Croix, bastit des Églises & des Monasteres, où il receut plusieurs Religieux, qu’il instruisit selon l’Ordre & la Regle qu’il avoit appris en France. Comme on montoit la charpente d’une Église qu’il faisoit bastir, un des artisans, par megarde, se coupa le poulce ; S. Brieuc se mist en prieres, reprint le poulce, le rejoignit à la main, fit le signe de la sainte Croix dessus & guerit parfaitement ce charpentier, qui, tout sur le champ s’en retourna à sa besongne. Il avint une grande famine en toute la Province de Cornoüaille pendant le séjour qu’il fit, durant laquelle, il distribua aux pauvres toute la provision qu’il trouva au Monastere, sans que, pour cela, luy, ny ses Moynes endurassent aucune necessité, Dieu recompensant par ailleurs les aumones qu’il faisoit en son Nom.

IX. Il employa quinze ans & demy à convertir, instruire & Catechiser son pays, jusques à ce qu’estant en Oraison en son Monastere, le jour de la Pentecoste de l’an 565,