Page:Le Grand Albert - La Vie des Saints.djvu/183

Cette page n’a pas encore été corrigée

chercher un saint homme, nommé Patern, venu depuis peu de la Grande Bretagne, qu’ils le prinssent pour arbitre de leurs differens & se tinssent à ce qu’il en arresteroit. Le matin venu, ces deux Princes se virent ; &, ayans communiqué, en face de leurs Armées, quelque temps par ensemble, poserent les armes, envoyerent querir S. Patern, lequel les pacifia entierement, & puis, prenant congé d’eux, revint voir son Pere, duquel ayant aussi pris congé, il repassa en la Grande Bretagne & se rendit à ses Religieux, qui furent grandement rejoüis de son arrivée, & trouva, en ce Monastere, un des Religieux qu’il avoit laissé au Monastere de Rhuys en Bretagne Armorique, nommé Nimonochus, lequel, ne pouvant supporter son absence, l’avoit suivi, &, par merites, avoit évadé de grands perils en mer.

VII. Voyant ses Religieux croistre, de jour à autre, en nombre, à la gloire de Dieu & utilité des Ames, il fonda deux autres Monasteres au Pays de Cornoüaille en l’Isle (c’est la Principauté de Walles) & y mist Superieurs deux siens Disciples, Nimonochus & Samson, personnes doüées de grandes perfections. En ce temps-là, regnoit en la province de Walles un Prince nommé Malgonus, homme fort mal conditionné, lequel, entendant parler de S. Patern, le voulut tenter. Une guerre luy étant survenuë contre des Bretons septentrionnaux de l’Isle, il amassa son Armée prés le fleuve de Clarach, & commanda à deux de ses Thresoriers de porter de grands vases chargez de sables, mottes & autre telle chose, bien fermez & scellez, au Monastere du Saint situé prés de ce fleuve, & le prier de luy garder ces vases où estoient ses Thresors. Le S. Abbé les prit à la bonne foy, les mit dans la Sacristie & les conserva soigneusement. La guerre ayant eu bon & heureux succez, le Roy retourna victorieux & envoya incontinent au Monastere querir ces vases, qui furent delivrez à ses gens ; lesquels, les ayans ouverts, n’y trouverent que sable, gazons & terre. Les Thresoriers, tous éperdus, crierent aux voleurs ; qu’on avoit volé les thresors du Roy ; le Saint le nya constamment. L’affaire évoquée par devant le Roy, il ordonna qu’ils seroient mis à leur serment. Or, c’estoit la coutusme en ce pays-là, que, qui faisoit serment de n’avoir commis ce qui luy estoit imposé, pour preuve de son innocence, mettoit le bras dans une cuve d’eau bouïllante ; le saint Abbé offrit au Roy de se justifier de ce crime, luy & ses Religieux en cette façon.

VIII. Le Roy qui, pour éprouver la vertu & Sainteté de S. Patern, avoit tramé cette affaire, s’y accorda ; on fait bouïllir de l’eau dans un grand bassin ; le S. fait redoubler les charbons, bouïllir & rebouïllir l’eau ; puis, ayant fait sa priere, mist tout son bras dedans, & l’y tint si long-temps, que les assistans furent contraints de luy crier qu’il se retirast ; ce qu’ayant fait, il montra son bras aussi sain, beau & frais que jamais. Le peuple, voyant cela, força ses accusateurs à faire la mesme espreuve, & voir si l’eau bouïllante est chaude ; mais ils n’y eurent si-tost mis la main, que la douleur leur penetra si avant, qu’ils tomberent morts par terre ; & le Roy Malgonus, autheur de tout cecy, devint aveugle & fut saisi d’une forte maladie, qui le mist au lict & l’affaiblit de telle sorte, qu’il reconnût que c’estoit une punition divine du tort qu’il avoit fait à S. Patern ; de quoy se repentant, il se fit porter au Monastere de Clarach & demanda humblement pardon au S. Abbé, qui, par sa priere, luy rendit la veuë & le guerit de sa maladie, dont le Roy le remercia & fit present à son Monastere de toutes ses terres, depuis la riviere de Clarach jusques à la Mer.

IX. En ce même temps, saint David (qui depuis fut Evesque de Menevie en l’Isle) vivoit en grande austérité, en un Monastere situé dans une vallée, au mesme païs de Walles, nommée Traoun-Rhozn. Un jour, estant en priere, l’Ange luy apparut & luy commanda d’apeller les Abbez Patern & Thurian, & d’aller, en leur compagnie, visiter les saints lieux de la Terre sainte, où Nostre Sauveur avoit operé nostre salut. S. David, obeïssant à l’Ange, les envoya querir & leur manifesta le commandement qu’il avoit