Page:Le Grand Albert - La Vie des Saints.djvu/160

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par eux-mêmes ou par leurs mandataires un peu de « terre sainte » renfermée dans un petit sac de toile ; les fiévreux se suspendent ce sachet au cou, jusqu’à complète guérison, et viennent alors le placer en ex-voto sur le tombeau du saint.

Cette pratique de dévotion est particulière aux dioceses de Saint-Brieuc et de Vannes ; on peut en juger non seulement près des tombeaux de nos vieux saints, mais an cimetière de Pluneret près de Sainte-Anne d’Auray, sur la tombe du bon et saint prélat Mgr de Ségur, les petits sachets pleins de terre déposés par ceux qui reconnaissent avoir été guéris s’accumulent tous les jours. Dans le diocèse de Quimper, l’usage de prendre de la terre sainte ne se pratique qu’en l’honneur de saint Maudet, comme nous aurons occasion de le redire.

Outre la terre sainte on emploie aussi contre la fièvre « l’eau de saint Gonéri ». Un prêtre bénit cette eau en employant une formule approuvée d’ailleurs par l’autorité épiscopale après en avoir fait passer d’abord quelques gouttes sur les reliques du Bienheureux. Il se sert à cet effet, d’un plat d’argent au milieu duquel est fixée sous un petit grillage une parcelle des reliques. Ce petit reliquaire porte le nom de son donateur : Gonéri Le Pape, gouverneur à Saint-Gonéry, 1651.

Les marins de la contrée ont aussi très grande confiance dans la protection du saint anachorète et mettent leurs voyages sous son patronage.

Mais si le culte populaire subsiste toujours, le culte officiel, le culte liturgique a été laissé de côté depuis la Révolution ; le Propre du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier ne lui accorde même pas une pauvre commémoration.

HYMNE DE SAINT GONERI EXTRAITE DU MANUSCRIT LATIN 1148 DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE, — XVe SIÈCLE.

Cette intéressante composition liturgique est calquée sur l’hymne admirable de saint Thomas d’Aquin pour les vêpres de la fête du Très-Saint-Sacrement: Pange lingua gloriosi.

Gonerio decantemus
Laudes et præconia,
Cordi vocem concordemus,
Sic stemus constantia
Ut cum Cristo jubilemus
In cœlis. Alleluia.

Spe robustus, fide clarus,
Indutusque moribus,
Mundo placens, Deo carus
Erogatis opibus,
Sua linquit, sibi rarus
Et largus pauperibus.
 
Gonerius, dum recessit
Ex partibus Angliæ,
Ad populum mox accessit
Minoris Britanniæ ;
Plebs ac clerus sibi cessit
Totius viciniæ.
 
Dum intendit, hic, culturæ
Terræ non fructiferæ
In se sentit oppressare
Vim turbæ pestiferæ ;
Hunc feriunt, non de jure,
Rupto dextro latere.
 
Mox, dum Sanctum vi faciunt
Ad terram procumbere,
Iram Dei mox sentiunt
In ipsos descendere.
Res miranda ! Cæci fiunt
Atque muti perpere.
 
Cure hoc ipsi percipiunt,
Moti pœnitentia,
Clamant corde, incipiunt
Poscere suffragia ;
Sanitatem recipiunt
Alvandi præsentia.

Tunc Alvandus consolatur ;
Cernens hoc miraculum,
Plebs exultat et lætatur,
Et statim per populum
Quod gestum est promulgatur
In sæculi sæculum.