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LA VIE DE S. GUENNOLÉ.

telle & l’ayda à bien mourir. Son corps fut porté à Land-Tevenec (ainsi qu’il l’avoit ordonné), & ses funérailles & obseques y furent magnifiquement célébrées Saint Guenégal fit l’Office & S. Guennolé l’Oraison funèbre. Le corps fut ensevely dans une petite Chappelle, voûtée à l’antique, pratiquée au mur de l’aisle droite de l’Église. Cette chappelle est fort basse, petite et estroite le Sepulebre est à main droite, en guise de charnier, de grain marbré, fort petit & court, avec une Croix tout du long gravée dans la pierre mesme ; sur la paroy en dehors, droit sur la porte, est son Epitaphe en ces termes Latins

Hoc in sarcophago jacet inclyta magna propago

Gradlonus Magnus, Britonum Rex, mitis ut agnus

Noster Fundator, vitae cœlestis amator

Illi propitia sit semper Virgo Maria.

Obiit Anno Domini CCCC V.

Encore à présent les Paroisses voisines dudit Monastere, comme Argol, Dineol, Saint-Nic, Telgruc, Crozon, Kastel-lin & plusieurs autres sont tenues, à certains jours de l’an, d’aller à Land-Tevenec chanter des services dans l’Oratoire du Roy Grallon, pour le repos de son Ame. Les obseques finies, S. Guennolé alla à Kemper, où il assista aux États Generaux du Royaume, comme premier Abbé de Bretagne, & en suite au Sacre et Couronnement du Roy Salomon, duquel ayant pris congé, il se retira en son Monastere.

XIV. L’ennemy du genre humain, enrageant de voir le grand fruit que faisoient les Religieux de S. Guennolé, retirant, tant par leurs Predications que par l’exemple de leur bonne vie, tant d’Ames de la voye de perdition, conspira leur ruïne ; &, voyant que le S. Abbé d’un soin extrême veilloit pour tous, s’attaqua à luy, pensant bien que, s’il pouvoit atterrer le Pasteur, aisément il viendroit à bout du troupeau il s’apparoissoit à luy, tantost en forme de Lion rugissant qui, à gueulle beante, sembloit le vouloir dévorer ores en guise de Dragon hydeux & épouventable autrefois en guise d’Ours, ou de quelque autre beste furieuse mais saint Guennolé, du seul signe de la Croix, le chassoit tout confus. Le bruit de sa sainteté estoit tellement divulgué par les Comtés de Cornoüaille & de Léon, que ceux qui se trouvoient en quelque angoisse ou affliction tenoient pour remède certain & efficace la seule invocation de son nom, luy estant encore en vie, & ne se trouvoient frustrez de leur attente. Un Pasteur, gardant les brebis de son maistre à la campagne, fut accueilli d’une tempeste si estrange, qu’il en pensa mourir S. Guennolé invoqué, l’orage cessa il vit tout son troupeau encerné de loups, qui, enragez, couroient sus à ses brebis, lesquelles effrayées commencèrent à courir qui ç’a qui là ; le pauvre homme s’écria 0 ! Serviteur de Dieu, .Père Guennolé, secourez moy en ce peril Il n’eust pas plustost prononcé la parole, que saint Guennolé luy apparut en son habit d’Abbé lequel, de son baston Pastoral, chassa les Loups & ramassa les Brebis éparses, puis disparut. Le lendemain, le Pasteur vint à Land-Tevenec remercier le Saint, lequel, toute la nuit, n’avoit bougé de l’Église en continuelles prieres. En recompense de ce bien-fait, il conjura ce Pasteur de n’en dire mot à personne, pendant sa vie.

XV. Il y avoit, és environs de Land-Tevenec, trois meschans garnemens qui se mirent à derober là où ils pouvoient prendre ils entrerent, une nuict, au Monastère, les Religieux estans retirez en leurs Cellules montans au grenier, le trouvèrent ouvert & y voyoient aussi clair qu’en plain midy Courage, compagnons, dit le plus dégraissé d’eux, il semble que Dieu agrée nostre larcin, veu qu’il nous éclaire pour le mieux commettre. Ils remplirent leurs poches de bled mais comme il fallut sortir, le premier, ayant trop grand faix, tomba dessous & se rompit la cuisse l’autre, s’en voulant aller, demeura