Page:Le Goffic - Poésies complètes, 1922.djvu/277

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Tantôt à Saint-Nazaire et tantôt au Faouet,
Tantôt dans un vieux bourg où pleure un vieux rouet
— À moins que ce ne soit mon troupeau qui me mène —
Et la forêt comme la lande est mon domaine ! »
Ô Boivin, ô nomade ami, n’avez-vous,
Dans un de ces vieux bourgs où s’égaraient vos pas,
Rencontré d’aventure une admirable aïeule ?
Elle a nom Angélique Auffret. Elle vit seule.
Vous n’imaginez pas le charme de ses yeux
Tour à tour ingénus, tendres, malicieux,
Mais de cette malice où n’entre aucune haine.
On dirait que la triste expérience humain,
Qui fait parfois si durs les yeux des vieilles gens,
N’a pu que rendre encor les siens plus indulgents.
Sur la dalle de l’âtre, au fond du logis sombre,
Leurs deux gouttes d’eau bleue étincellent dans l’ombre.
Je vais tout droit vers eux, sitôt franchi le seuil.
« Angélique, salut ! — Salut mon fils ! » L’accueil
Est toujours aussi franc, aussi simple, aussi tendre,
Et nous nous comprenons presque sans nous entendre.
Que dirions-nous ? Ce sont ses yeux que je viens voir,
Ses yeux d’aube, restés auroraux dans le soir.
Sous l’arceau délabré de sa cape de veuve,
Ils ont gardé, malgré le temps, malgré l’épreuve,
Je ne sais quoi de virginal et d’enfantin,
La divine fraîcheur de leur premier matin.