Page:Le Goffic - Poésies complètes, 1922.djvu/249

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Vieux noms tout imprégnés d’une saveur bretonne ?…
Landiers que vêtaient d’or les fuseaux de l’automne
Et que poudrait d’argent la houppe des avrils,
Roseaux qui palpitiez au vent comme des cils,
Stellaire qui frangeais, dans un pli de la dune,
La mare où les troupeaux viennent boire à la brune,
Tels je vous ai quittés et tels je vous revois :
C’est bien vous, c’est bien vous, vieux amis d’autrefois !
Un air plus vif déjà fouette mon épiderme.
De l’est à l’ouest, la mer est là qui vous enferme
Dans un cercle éternel de sourds gémissements ;
Mais sa plainte, où des glas sanglotent par moments,
Nostalgiques appels des cités sous-marines,
Dont l’écho retentit au fond de nos poitrines
Et fait pleurer en nous des morts mystérieux,
Sa plainte, sous le vide exaspérant des cieux,
Peut s’enfler : de tiédeur et d’ombre enveloppée,
Elle expire à vos bords en vague mélopée…
Amis, je veux vieillir et mourir parmi vous.
L’hiver même et ses dards cruels me seront doux,
Si je puis abriter ici mon dernier songe.
Gloire, fortune, honneurs, beaux oiseaux de mensonge,
Dont la quête stérile a déçu maint chasseur !
Seule, tu ne mens pas, Nature aux yeux de sœur…
Ô véridique, ô salutaire, ô consolante,
Par tes soins s’élabore un baume en chaque plante.