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Pardonne-moi. Durant cet exode farouche,
Où je cherchais partout tes yeux, partout ta bouche,
J’ai vu tant de misère, hélas ! sur mon chemin,
Que j’ai pris en pitié le pauvre genre humain.
Réellement, il m’a poussé comme une autre âme.
La charité rentre à présent dans mon programme
Et je veux, s’il te plaît, le tenir jusqu’au bout.
Donc, mon aimé, faisons nos paquets et debout !
Dans la ferme discrète où seront nos pénates,
Si les poulains trop vifs ont embrouillé leurs nattes,
Si le bœuf a rompu sa longe ou le bélier
Ses entraves, j’entends que d’un doigt familier
Et prompt l’un de nous deux répare le dommage.
L’agréable métier, Gwion ! Point de chômage !
Toujours quelque service à rendre ! Quant à moi,
Je sais par le menu déjà tout mon emploi :
Traire le lait, rouir le chanvre aux grandes pluies,
Souffler le feu, couper le pain, tendre les buies,
Vanner l’orge, garder la ruche des frelons,
Brasser la pâte et l’étaler sur les poêlons
D’une éclisse savante et sûre en sa prestesse…
Vois-tu d’ici l’étonnement de notre hôtesse,
Qui se frotte les yeux et croit rêver encor
Et se signe trois fois comme à confiteor,
En trouvant au matin sa tâche à moitié faite !
Tous les jours désormais lui seront jours de fête.