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Qu’ils nous accueilleraient fort bien, ces bonnes gens.
Nous leur serions des dieux très doux, très indulgents,
De petits dieux, d’aspect nullement redoutable.
Puis ils nous donneraient les miettes de leur table,
Un peu de lait, du miel, et c’est assez pour nous.
Songe donc : tu n’atteindrais pas à leurs genoux !
Ils ne te craindraient pas, Gwion, tout au contraire.
C’est charmant : tu serais comme leur petit frère,
Et moi comme leur sœur un peu tendrette encor.
Et le voilà, l’Éden ! Les voilà, les jours d’or !
C’est cela le bonheur, Gwion : lorsque tout change,
Ne point changer, rester ici dans quelque grange
Bien close, où le vent d’ouest ne pénétrerait point,
Seuls à s’aimer, parmi la bonne odeur du foin,
Au matin s’éveiller avec les bartavelles,
Courir dans le gazon, baller dans les javelles,
Aller, venir, trotter, la bride sur le cou,
Du platier de Vaskern aux brisants d’Ifliskou,
Et, pour faire la nique aux faneuses du Lenne,
Glisser dans leur fichu des fleurs de marjolaine !
Ah ! les lutins que nous serions, si tu voulais !
Comme notre grenier vaudrait tous les palais !
Quoi ! Tu boudes encore ? Est-ce que d’aventure,
Gwion, tu jugerais trop noire ma peinture.
Ou si c’est mon babil d’oiseau qui t’étourdit ?
Et pourtant, bien-aimé, je ne t’ai pas tout dit.