Page:Le Goffic - Les Romanciers d’aujourd’hui, 1890.djvu/202

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

revues, rappellent et égalent pour la tristesse et la noblesse Maurice de Guérin. Je citerai surtout de lui Les deux paradis

    tive elle-même, elle a écouté en des nuits pareilles les chansons d’Homère et les paroles de Solon.
    « Et c’est aussi la mer où, dans les premiers siècles de l’erreur chrétienne, alors que le règne de la sainte nature finissait et que commençait celui de l’ascétisme cruel, le patron d’une barque africaine entendit des voix dans l’ombre, et l’une d’entre elles rappeler et lui dire : « Le grand Pan est mort ! Va-t’en parmi les hommes, et annonce-leur que le grand Pan est mort ! »
    « Et, par la mystérieuse nuit sans étoiles, sur le chaos noir de la mer et sous le noir chaos du ciel, il y avait quelque chose de triste et d’étrange à songer que peut-être l’endroit innommé, mouvant et obscur, que traversait notre vaisseau avait vu passer tous ces fantômes, et qu’il n’en avait rien gardé.
    « Et c’est parce que cette pensée me vint, et quelle me parut étrange et triste, et qu’elle troubla longtemps mon cœur de rhéteur ennuyé, qu’il m’est possible encore, entre tant d’heures oubliées, d’évoquer ces lointaines heures noires où je rêvais seul sur le pont du navire parti de Massilia, un soir d’automne, à la tombée de la nuit. »