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M. Jules Tellier[1], un écrivain de vingt-six ans, qui du premier coup s’est fait

  1. Je n’ai voulu rien changer à ceci, qui fut écrit quand Tellier vivait encore. Notre pauvre ami n’avait publié qu’un livre : Nos poètes, et des articles, ça et là, au Gaulois, au Parti national et aux Annales. Mais il avait la tête pleine de projets. Il méditait un livre sur la poésie lyrique au moyen âge, un autre sur l’érudition des romantiques, un autre sur la versification française au xixe siècle, un autre sur le Timon de Libanius et la sophistique grecque. Tout cela est perdu. Il laisse seulement un livre de vers, La Cité intérieure, que ses amis publieront bientôt et qui le classera en un haut rang, et, avec ses contes philosophiques et ses poèmes en prose, la matière d’un livre de mélanges. Lui-même devait les réunir à son retour d’Alger ; il y aurait joint deux contes qu’il caressait dans sa tête : Le maître d’école de Ravenne et Le voyage du rhéteur Epidius. Le livre se fût appelé La mort. Hélas ! cette mort, dont il inscrivait ainsi d’avance le nom sur son livre, elle est venue à vingt-six ans pour notre ami, pour la plus noble et la plus belle des intelligences de cette génération. Sa mort a été une consternation sans égale, et l’on peut dire qu’aucun jeune homme, depuis ce Maurice de Guérin qu’il aimait tant et dont la destinée fut si voisine de la sienne, n’a emporté avec lui un regret si universel.