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service. Mais elle sentait bien que, si laide, elle avait fini par éveiller en lui une tendresse bizarre, confuse encore, qui ferait qu’un jour ou l’autre elle ne serait plus en sûreté dans ses mains ; et pour ne point pécher elle refusa. Son paquet était fait quand Salaün lui proposa de l’épouser. Elle ne répondit pas sur l’instant : elle voulut d’abord communier pour les âmes du purgatoire ; puis elle alluma un petit cierge devant l’autel de la Vierge. Le cierge brûla doucement, s’éteignit doucement, et elle en tira l’augure d’une vie heureuse et bien vue du ciel. Le jour même elle répondit oui et ils se marièrent un mois après.

Les premiers temps, Salaün garda une certaine réserve. Ils s’étaient fixés à Landrellec où ils montèrent une auberge. On sait qu’ils la vendirent pour installer une cantine à Morvic. Ce fut la perte de Salaün.

Dans la fréquentation de ces carriers âpres et sensuels, qui travaillaient un jour sur quatre et buvaient d’autant le reste, il s’acheva. Leurs lourdes saouleries le troublaient à jeun ; de les voir, la face rouge, et tout ce liquide qui flambait dans leurs verres, ses bonnes résolutions tombaient aussitôt et il s’attablait avec eux.