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de-vie ; l’autre – Loïz-ar-béo, – Louis-le-vif, comme on l’appelait, toujours au plein air, remuant, tapageur, la tête près du bonnet, qui courait les filles, chantait la gloire et l’emportait de haute lutte, dans les pardons, aux jeux de la perche et du crapaud.

Ils grandirent ainsi sans se toucher. Il est remarquable, du reste, qu’ils ne se haïssaient ni ne se jalousaient, encore bien que l’affection de la mère allât davantage au gallot. Mais Salaün ne s’en apercevait pas ; il vivait déjà dans une demi-hébétude qui le laissait indifférent aux bons et aux mauvais soins ; et pour Thomassin, loin qu’il se fît une arme des secrètes préférences maternelles, il se sentait plutôt une sorte de pitié supérieure, une compassion d’homme libre et bien portant pour cet être gourd, encroûté et qui semblait avoir subi, dans la solitude, un commencement de pétrification.

Ces pratiques d’isolement dont Salaün ne se départit point avec l’âge firent qu’on s’habitua chez les siens à le considérer comme voué par nature et par goût au célibat. Quel amour aurait-il eu ? Il se rendait seul aux assemblées et, quand les autres restaient à deviser, autour des tombes, avec les filles de la paroisse, lui,