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second mari, à Sanvic, et en plaça les fonds, qui se montaient à trois mille francs, sur bonnes hypothèques. De son premier mari elle n’avait hérité que quelques arpents de broussailles. Elle les défricha, mais ne put vaincre l’ingratitude d’un sol maigre et rocheux. À sa mort, Salaün, à qui ils revenaient, n’en tira que huit cents francs. La part de Thomassin, accrue des trois mille francs paternels, fut ainsi quelque peu supérieure à celle de son frère aîné.

C’est à cette époque que Salaün se maria. Thomassin avait pris du service l’année précédente, comme matelot. Où était-il ? À Toulon, en Chine, à Madagascar ? Salaün n’en savait rien. Du reste, il n’avait aucune instruction : pour correspondre avec son frère, il lui eût fallu recourir à l’intermédiaire du curé ou de l’instituteur. Thomassin ne connut le mariage de Salaün qu’après coup. Peut-être, s’il eût été au pays, ne l’eût-il point approuvé. Mais, plus encore que leurs tempéraments, l’extrême différence des caractères les avait rendus de bonne heure presque étrangers l’un à l’autre : Salaün, en son enfance, morne, passif, préférant à tout les longues siestes dans les fossés, plus tard s’acagnardant aux auberges, s’hébétant d’eau-