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massin. C’était un homme solidement charpenté, très blond, et tel que le rappelait son fils, qui en était la vivante image. Il n’était pas du pays ; il était né à Sanvic, près du Havre, et s’était tout récemment établi à l’Île-Grande, pour surveiller la taille et le transbordement des granits. Il mourut dans une épidémie de variole noire, qui emporta la moitié du canton ; mais cette fois, comme l’aîné de ses fils avait dix ans et le cadet sept, Anne-Yvonne ne songea point à se remarier, encore que son aisance eût tenté plus d’un prétendant.

Elle touchait alors à la trentaine ; elle était maigre, ridée, plus vieille que son âge. Pourtant ç’avait été une assez jolie fille ; mais la maternité l’avait usée et déformée. Et puis les filles de la côte bretonne sont souvent jolies, il est rare qu’elles le demeurent longtemps. Si la maternité ne les a pas prises avant la vingt-cinquième année, leur beauté dépérit d’elle-même au moment où on la croirait proche de sa plénitude, leurs traits se tirent et on ne les reconnaît plus quelquefois à un an d’intervalle.

Anne-Yvonne dirigea seule l’exploitation des deux fermes qu’elle avait conservées à l’Île-Grande, réalisa le petit bien que possédait son