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tagne, l’arouez du Justicier de Trédarzec ; elle était informée des avatars de sa statue. Il s’en fallait que Catherine Le Corre fût aussi bien renseignée : cette septuagénaire avait dû prendre sa retraite de bonne heure, si tant est qu’elle eût jamais exercé la profession de « pèlerine par procuration », puisque, trois années après la démolition de l’ossuaire, elle ignorait encore un événement de cette importance. C’est pourtant aux offices de Catherine, soit qu’elle ne voulût accorder sa confiance qu’à bon escient, soit qu’elle n’eût pas de meilleur truchement sous la main, que la femme G… recourut pour se venger de son frère et le « vouer » (gwestla) à saint Yves-de-Vérité.

— Quinze jours avant l’assassinat de Philippe, déposa la veuve Le Corre, Marguerite me raconta qu’elle avait été obligée de payer son frère deux fois. « Il faut que tu ailles trouver saint Yves, me dit-elle en me remettant cinq francs pour ma commission. Sa chapelle a été démolie, mais tu n’auras pas de peine à découvrir le saint dans le coin de l’église de Trédarzec où on l’a relégué. » Rendue à l’église, j’y cherchai vainement le saint. On m’apprit, dans une auberge, que le recteur de Trédarzec l’avait fait enlever à cause de son sacristain qui avait été « voué » et qui était mort quelque temps après. Pour être sûr qu’on ne « vouerait » plus personne, le recteur avait caché le saint dans son grenier. Ma mission n’avait plus d’objet.

D’autres pèlerines, par la suite, ne se montrèrent pas d’aussi bonne composition que Catherine et tentèrent – avec plus ou moins de succès – de pénétrer