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res du Faou, de Loperhet, de Daoulas, etc., que les cultivateurs de Plougastel embauchent pour cette cueillette, s’y montrent d’une habileté consommée : la fraise est détachée d’une façon très délicate, l’ongle faisant levier, et rangée immédiatement, sans que la main l’ait touchée, dans le carchet ou la corbeille. Elle ne passe plus, comme autrefois, par l’intermédiaire du « bouleau » ou, du moins, cette sorte de bannette grossière en osier, avec un fond en cul de bouteille, ne s’emploie-t-elle plus qu’en fin de saison pour les fraises à bon marché qu’on exporte sur Brest, Landerneau, Quimper et Morlaix et qui ne craignent point le transvasement. Le carchet lui-même n’a peut-être plus de longs jours à vivre : on lui avait donné cette forme de cercueil ou de bateau à fond plat pour atténuer la pression des fraises du dessus sur les fraises du dessous. Ces carchets étaient en somme un premier progrès sur les anciens paniers de dix kilos pesant, où l’on entassait les fraises au début de l’exportation et dont elles sortaient en bouillie la plupart du temps. Mais, fabriqués en bois plein, ils ne permettent pas à l’acheteur de se rendre compte de l’état de conservation des fraises du dessous. Les corbeilles à claire-voie n’ont pas cet inconvénient. Aussi prévoit-on qu’elles remplaceront les carchets à bref délai, et déjà les syndicats fraisicoles de la région se préoccupent de trouver un système d’emballage qui permette de les arrimer convenablement dans les cales des navires.

Je viens de parler des syndicats. C’est là, en effet, une des autres étrangetés de ce pays tout à la fois si traditionnaliste dans ses mœurs et si avancé dans ses conceptions économiques. Jusqu’en 1865, date de l’ouverture du chemin de fer de Paris à Brest, Plougastel n’exportait ses fraises que sur les villes envi-