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tronc pour multiplier les saillies. Sur chacune de ces saillies, au nombre d’une quarantaine, on pique une pomme rouge…

— Et pourquoi une pomme ? demandai-je curieusement.

Mon guide l’ignorait et ses compatriotes, m’assura-t-il, n’étaient pas mieux renseignés. Comme pour les feux de la Saint-Jean, le rite s’est perpétué, mais sa signification s’est perdue.

— À moins pourtant, me dit-il après un moment de réflexion, que ce ne soit par allusion à la pomme qui causa la chute de notre premier père.

— L’arbre des âmes serait donc une réplique bretonne de l’arbre du Paradis terrestre ?

— Peut-être, mais je ne vous le garantis pas.

La réserve du « chulot » est bien explicable et il se pourrait fort en effet que l’origine du gwezen an anaon n’eût rien de biblique : ce peuple est si pénétré encore du vieux naturalisme aryen ! Tant y a que, le soir de la Toussaint, à Plougastel-bourg et dans les quinze ou vingt frairies de la paroisse, des arbres de cette sorte sont mis aux enchères et poussés quelquefois jusqu’à 30 et 40 francs par leur dernier enchérisseur. L’acquisition de l’arbre des âmes est généralement le résultat d’un vœu.

— C’est ainsi, me dit en substance mon guide, que, quand un ménage frappé de stérilité désire avoir un enfant, il promet, s’il est exaucé, de se porter acquéreur, au nom de l’enfant à naître, d’un gwezen an anaon. L’adjudication faite, une interversion de rôle se produit et, d’adjudicataire, l’acquéreur de l’arbre se transforme en vendeur au détail. Mais, comme les quarante pommes de cet arbre ne suffiraient pas aux exigences de la clientèle, notre marchand improvisé s’en procure quelques centai-