qu’on leur a confiées ? C’est leur secret. Profondément religieux pour la plupart, ils trouvent sans doute dans leur foi un précieux réconfort moral. « Ceux qui craignent le plus les dieux, disait Xénophon, sont ceux qui dans la bataille craignent le moins les hommes ». Mais la force de cette race, si changeante, si féminine pourtant à certains égards, naïve et raffinée, spirituelle et crédule, taciturne et passionnée, elle est surtout dans son sentiment de l’inéluctable, dans sa soumission sans phrase à la nécessité. Un Breton ne discute pas un ordre : il l’exécute. « On nous a mis là, c’est que nous devons y être ; on nous a dit de tenir jusqu’à la mort, c’est que notre mort est nécessaire. »
Il n’y a, dans cette attitude, ni vain étalage de stoïcisme, ni exaltation passagère de la fibre patriotique. Bien que David Hume les appelle « les plus guerriers des paysans français », c’est sans la moindre allégresse que les Bretons virent se lever sur le monde, comme une lune de deuil et de terreur, suivant l’expression d’un de leurs bardes[1], la face sanglante de la guerre. Même à travers le prisme de la poésie, la guerre ne leur apparaissait ni fraîche ni joyeuse et ils estimaient plutôt, comme messire Bertrand, qu’elle est une chose « moult griève » à laquelle on ne se doit résigner qu’après avoir épuisé tous les moyens de conciliation. En vérité, plus d’une bouche se crispa douloureusement parmi eux, le 1" août 1914, si pas un cœur n’y défaillit. Cette race courte, résistante, pareille à l’ajonc de ses landes,
- ↑ Le sublime et sombre Calloc’h, le plus grand poète peut-être qu’ait suscité la guerre et qui fut révélé au public par un magistral article de M. René Bazin, dans l’Écho de Paris. Les poèmes de Calloc’h, réunis sous le titre À genoux par son ami Mocser, ont paru à la librairie Plon.