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fondation qu’on paie encore aujourd’hui sur le lieu de Runefoïe, en Trébeurden ».

Et voici l’autre version, moins romanesque et plus conforme peut-être à la mentalité des gens du XIIIe siècle :

« On dit que Calomnia d’Arembert était un bon et excellent chrétien, mais que son fils n’hérita nullement des vertus de son père. À Penlan régnait un désordre horrible vraie sentine de corruption et de la plus grande immoralité. Un jour, le jeune Calomnia d’Arembert se promenait dans ses bois ; il faisait un temps affreux, un vent épouvantable, une mer horrible et dont le bruit étourdissait les gens du pays. Le temps, le vent et le bruit des flots lui portèrent bonheur. Dieu attendait pour ce jeune homme ce jour sans pareil pour l’appeler à lui. Réflexion sur réflexion, moment de grâce sur moment de grâce, le jeune d’Arembert partit le lendemain pour Bégard où il avait un oncle faisant partie de la communauté. Il resta en sa compagnie quelques jours et, à son retour à Trébeurden, ce n’était plus le même homme. Il renonça à tous ses désordres et peu de temps après il mourut en léguant à la communauté de Bégard tout [son] avoir et fut enterré dans l’église de [Trébeurden], en un enfeu de la chapelle de Saint-Yves… »

De ces trois explications données au legs des Calomnia, quelle est la meilleure et qui se rapproche le plus de la vérité historique ? Et, de même, quelle est la part du réel dans le conte de la Pennérez de Kerario[1] ? Ce conte, quoiqu’il en soit, est fort populaire à Trébeurden et aux environs. Il y est dit que Kerario et Trovern[2] avaient cha-

  1. Kerario fut autrefois un château-fort, comme en témoigne le donjon subsistant. Le manoir actuel, du XVIIe siècle, comporte un corps de logis à un étage avec chambre au deuxième dans le pavillon en retrait et grenier dans le corps du logis principal. Il est flanqué de deux petites tourelles à encorbellement de l’effet le plus gracieux, auxquelles il est fait allusion plus loin dans le conte. Celui-ci met en scène, visiblement, non une famille de Clisson ou de Kerario, mais des tenanciers de cette famille dont une dame fonda la chapelle de Bonne-Nouvelle et est représentée dans une toile, sur l’autel, recevant une lettre des mains de l’Enfant-Jésus.
  2. Sur Trovern, ancien manoir noble aussi, voir la note 2 de la p. 98 du t. II de l’Âme bretonne. Acheté par la famille Morand, de