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fectionnées ; 15.000 ouvriers et 1.200 employés y travaillent dans 35 fabriques : le total de la production s’élève à 80 millions de francs[1]. Mais les crises sont fréquentes céans ; les grèves sans violence, mais longues et passionnées. L’ouvrier fougerais est un syndicaliste qui se prend au sérieux, la féodale Fougères un second Limoges : tout s’y traite en accord avec la C. G. T., qui donne au besoin l’impulsion, entretient sur place des délégués permanents. Presque aucun soir, à Fougères, ne se passe sans quelque réunion corporative et ce n’est pas en somme une des moindres surprises que réserve au visiteur cette paradoxale cité d’y voir les questions économiques les plus aiguës se débattre dans un décor du temps de Merlin l’enchanteur.

Quelle différence avec Rennes ! Rien — ou si peu — n’y est du moyen-âge ou de la Renaissance ; rien ou presque rien, dans cette capitale d’Arthur de Richemont et de François II, n’évoque les temps de l’indépendance. Et, en revanche, tout y reporte l’esprit vers le siècle qui consomma l’asservissement de la province. C’est ainsi qu’on a pu définir Rennes un Versailles sans Versailles, autrement dit sans le château ni le parc, mais avec les vastes avenues, les routes droites, l’herbe entre les pavés et cette couleur grise du temps passé qui, à Rennes comme à. Versailles, revêt toute chose de sa mélancolie solennelle. Mais la vérité est que Rennes est surtout une ville parlementaire, et c’est pour n’avoir pas compris ce caractère qu’on l’a tant calomniée, même l’indulgent Henry Houssaye qui, rappelant, à l’Académie française, que Leconte de Lisle y passa ses pre-

  1. Ces chiffres ne valent, bien entendu, que pour la période qui précéda immédiatement la guerre.